Journal of Applied Biosciences 213: 22629 – 22638
ISSN 1997-5902
Caractéristiques socio-démographiques et pratiques paysannes post récolte du mil (Pennisetum glaucum, L.) dans le district des savanes au nord de la Côte d’Ivoire.
Kouadio Younouss SOULEYMANE, Siéla KONÉ, Michel Laurince YAPO *
Département de Biologie animale / UFR des Sciences Biologiques /
Université Peleforo GON COULIBALY de Korhogo, Côte d’Ivoire, BP 1328 Korhogo.
*Auteur correspondant, +225 07 08 18 0220, E-mail : yapomilaur@gmail.com
Submitted 26/08/2025, Published online on 31/10/2025 in the https://www.m.elewa.org/journals/journal-of-applied-biosciences https://doi.org/10.35759/JABs.213.7
RESUME
Objectifs : L’étude vise à analyser les caractéristiques socio-démographiques des producteurs de mil ainsi que leurs pratiques de conservation post-récolte dans le nord de la Côte d’Ivoire.
Méthodologie et Résultats : Une enquête a été conduite entre novembre 2023 et février 2024 auprès de 140 producteurs de mil dans les régions du Poro, du Tchologo et de la Bagoué. Les résultats montrent que le stockage se fait principalement dans des sacs (99,29 %) et greniers (100 %), pour une durée moyenne de 12,74 mois. Les principales contraintes sont les infestations d’insectes (70 %) et les attaques de rongeurs (10 %). Six espèces de ravageurs majeurs du mil stocké ont été identifiées.
Conclusions et application des résultats : Cette étude a permis de connaître les méthodes et les structures de conservation du mil en milieu paysan ainsi que les différentes espèces d’insectes inféodées à cette denrée stockée au nord de la Côte d’Ivoire. Ces résultats soulignent l’urgence de promouvoir des alternatives durables de lutte contre les insectes ravageurs des stocks de mil.
Mots-clés : Conservation, post-récolte, Côte d’Ivoire, District des savanes, insectes déprédateurs, mil.
Socio-demographic characteristics and post-harvest farming practices for millet (Pennisetum glaucum, L.) in the Savanes district in northern Côte d’Ivoire.
ABSTRACT
Objective: The study aims to analyze the socio-demographic characteristics of millet producers and their post-harvest storage practices in northern Côte d’Ivoire.
Methodology and Results: A survey was conducted between November 2023 and February 2024 among 140 millet producers in the Poro, Tchologo and Bagoué regions. The results show that storage is mainly carried out in bags (99.29%) and granaries (100%), for an average duration of 12.74 months. The main constraints are insect infestations (70%) and rodent attacks (10%). Six major pest species affecting stored millet were identified.
Conclusions and application of results: This study provided insight into the methods and structures used to store millet in rural areas, as well as the different species of insects that infest this commodity stored in northern Côte d’Ivoire. These results highlight the urgent need to promote sustainable alternatives for controlling insect pests in millet stocks.
Keywords: Post-harvest conservation, millet, insect pests, Savannah district, Côte d’Ivoire.
INTRODUCTION
Le mil (Pennisetum glaucum L.), céréale originaire de l’Afrique de l’Ouest tropicale, suscite un intérêt croissant en raison de sa capacité à résister aux conditions climatiques extrêmes, notamment à la sécheresse, un atout majeur dans le contexte du changement climatique (Srivastava et al., 2022). En Côte d’Ivoire, cette culture est essentiellement pratiquée dans les régions nord du pays, où elle joue un rôle important dans la sécurité alimentaire. Le mil occupe ainsi la troisième place parmi les céréales les plus cultivées et consommées, après le riz et le maïs (Béninga et Akanvou, 2005). Entre la récolte et la consommation, plus de 30% de la production céréalière est perdue (Akintayo et al., 2008). Les dégâts sont essentiellement provoqués par des insectes de l’ordre des Coléoptères et des Lépidoptères (Delobel et Trans, 1993). En effet, les dommages causés par ces insectes ravageurs dépendent du système de stockage utilisé (Lale et Yusuf, 2000). La réduction des pertes post-récolte des denrées alimentaires entreposées passe avant tout par une meilleure connaissance des pratiques de gestion post-récolte des stocks de mil ainsi que l’identification des ravageurs et la détermination de leurs dégâts. Ce sont autant d’éléments indispensables à la mise en place de stratégies de protection des denrées (Fandohan et al., 2009) d’où l’intérêt de cette étude qui vise à faire un état des lieux des pratiques de gestion post-récolte du mil et à identifier les principaux ravageurs inféodés à cette spéculation en état de conservation. Il est donc nécessaire de documenter les pratiques liées à la conservation post-récolte du mil dans le nord ivoirien afin d’identifier celles qui peuvent être améliorées pour renforcer la sécurité alimentaire et les revenus des agriculteurs.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Zone d’étude : L’étude a été menée dans les trois Régions du District des Savanes situées au Nord de la Côte d’Ivoire. Ce sont : la Bagoué, le Poro et le Tchologo. Ce District est situé entre les longitudes 3°50 et 7° Ouest et les latitudes 8°50 et 10° Nord (Figure 1). Deux saisons bien marquées caractérisent le climat de cette zone : une saison sèche qui couvre la période allant de novembre à avril, et une saison de pluies qui court de mai à octobre. La pluviométrie moyenne interannuelle est inférieure à 1 200 mm (Brou, 2005).
Figure 1 : Localisation de nos différents sites d’études dans le district des savanes en Côte d’Ivoire
Diagnostic des pratiques de stockage et de conservation du mil : Les données ont été collectées entre novembre 2023 et février 2024. Dans chaque village, les agriculteurs interrogés sont ceux qui cultivent et stockent le mil. Ces agriculteurs ont été choisis avec l’aide des chefs de village ou des responsables du Centre National de Recherche Agronomique, mais aussi par la méthode d’échantillonnage “boule de neige”. Cent quarante producteurs de mil ont été interrogés dans toute la zone d’étude. Les données d’enquête ont porté uniquement sur les caractéristiques socio-économiques des enquêtés (situation matrimoniale, âge, sexe, niveau d’instruction), les infrastructures et méthodes de conservation du mil, les contraintes de stockage, la reconnaissance des ravageurs post-récolte du mil observés, les techniques de lutte mises en œuvre contre ceux-ci, les pratiques post-récolte, l’utilisation du mil, les connaissances et perceptions des agriculteurs sur les insectes ravageurs du mil associés au stockage, ainsi que les méthodes traditionnelles de gestion. Au-delà des entretiens, des observations directes ont été faites afin d’identifier et décrire les structures de conservation des denrées, les techniques de lutte utilisées.
Identification des insectes associés au mil stocké : Dans chaque village enquêté, des échantillons de mil stocké sans insecticide ont été prélevés dans les structures de stockage des agriculteurs selon la méthode décrite par Loko et al. (2019).Dans chaque structure de stockage, 500 g de mil ont été prélevés à trois profondeurs différentes du stock. Les prélèvements ont été faites à l’aide de boîte en plexiglas (10 cm x 8 cm x 4,5 cm) dans des sacs de stockage et dans des greniers. Chaque lot de grains de mil est placé en conservation au laboratoire pendant une durée d’un an sous la température moyenne de 31°C et humidité relative moyenne de 62%. Les échantillons sont régulièrement tamisés au bout d’une année à l’aide de tamis dont les mailles mesurent 3 mm de diamètre afin d’isoler les insectes adultes (Chougourou et al., 2017). Les insectes recueillis sont conservés dans des piluliers de 50 ml contenant de l’alcool à 70 %. Sous une loupe trinoculaire, les différents spécimens ont été identifiés à l’aide des clés de Delobel et Tran (1993) et du catalogue de Fandohan et al. (2005).
Analyses statistiques : Les données recueillies ont été examinées à l’aide d’analyses statistiques. Les variables socio-démographiques ont été comparées entre les différentes zones agro-écologiques en appliquant une ANOVA pour les variables quantitatives et un test du chi-carré pour les variables qualitatives après avoir effectué le test de normalité (test de Shapiro-Wilk). Les différentes analyses statistiques ont été effectuées à l’aide du logiciel R version 4.4.3 (2025-02-28 ucrt).
RESULTATS
Caractéristiques sociodémographiques des paysans producteurs de mil : Les résultats de l’enquête (Tableau 1) indiquent que tous les producteurs sont de sexe masculin sauf dans le Poro où 66,67% sont des femmes. Tous les producteurs sont ivoiriens dans le Poro, 7% sont Maliens dans le Tchologo et 6% sont des Maliens dans la Bagoué. L’âge moyen varie entre 39,69 ± 14,03 ans et 59,91 ± 10,43 ans. Tous les producteurs enquêtés sont mariés. Dans le Poro, ils sont tous Sénoufo, 93% sont sénoufo et 7% peuls dans le Tchologo et 60% sont sénoufo, 34% malinké et 6% peulhs dans la Bagoué. Seules les productrices de la région du Poro sont membres d’une coopérative. Vingt pourcent (20%) des producteurs sont instruites dans le Poro, 26,67% dans le Tchologo et 12% dans la Bagoué.
Pratiques paysannes de gestion post-récolte des stocks de mil
Pratiques de stockage du mil :
Pratiques de pré-stockage: Tous les producteurs de mil (100%) ont adopté la pratique du pré-stockage pour le mil. La raison principale du pré-stockage du mil est d’assurer un bon séchage des grains (89,2%). Certains agriculteurs pratiquent le pré-stockage du mil pour faciliter l’égrenage (74,3%) et pour éviter les pourritures (25,7%). Le mil est séché au champ chez tous les producteurs (100%) sur pied.
Structures et méthodes de stockage: La majorité des agriculteurs (96,43%) ont stocké le mil sous forme de grains dans des sacs (99,29%) et dans les cuvettes (0,71%). Seuls quelques agriculteurs interrogés (3,57%) ont stocké le mil sous forme d’épis dans les greniers (100%) (Figure 2a). Le mil stocké dans des sacs est généralement entreposé dans les maisons des agriculteurs (37%) et dans les magasins (63%) (Figure 2b). La plupart des agriculteurs (99,28%) nettoient régulièrement leurs structures de stockage et enlèvent les vieilles semences de mil après chaque campagne mais de manière irrégulière.
Figure 2 : Structures de conservation du mil par les producteurs dans nos différents sites d’études (A: mil en épis conservé dans le grenier B: mil égrené conservé dans des sacs entreposés dans un magasin)
Tableau 1 : Caractéristiques socio-démographiques des paysans enquêtés au cours de notre étude dans nos différents sites d’études
| Caractéristiques | Poro | Tchologo | Bagoué | Zone d’étude | Test X2 | Test F | Valeur de p | |
| (N= 60) | (N= 30) | (N= 50) | (N= 140) | |||||
| Sexe (%) | Hommes | 8 (13,33%) | 30 (100%) | 50 (100%) | 88 (58,57%) | 182 | p < 0.001 | |
| Femmes | 52 (66,67%) | – | – | 52 (37,13%) | ||||
| Âge (années) | Moyenne± SD | 39,69± 14,03 | 40,58± 9,89 | 59,91± 10,43 | 47,07± 15,67 | 53.509 | 0.1308 | |
| Religion (%) | Musulmans | 6 (10%) | 30 (100%) | 15 (30%) | 51 (36,43%) | 125.37 | p < 0.001 | |
| Chrétien | 12 (20%) | – | 5 (10%) | 17 (12,14%) | ||||
| Animiste | 42 (70%) | – | 30 (60%) | 72 (51,43%) | ||||
| Situation matrimoniale (%) | Marié(e) | 60 (100%) | 30 (100%) | 50 (100%) | 140 (100%) | – | – | –
|
| Célibataire | – | – | – | – | ||||
| Groupe socioculturel (%) | Sénoufo | 60 (100%) | 29 (96,67%) | 30 (60%) | 119 (85%) | 97.056
|
p < 0.001 | |
| Malinké | – | – | 17 (34%) | 17 (12,14%) | ||||
| Peulh | – | 1 (3,33%) | 3 (6%) | 4 (2,86%) | ||||
| Nationnalité | Ivoirienne | 60 (100%) | 29 (96,67%) | 47 (94%) | 136 (97,14%) | 97.056
|
0.2889
|
|
| Malienne | – | 1 (3,33%) | 3 (6%) | 4 (2,86%) | ||||
| Niveau d’instruction (%) | Primaire | 6 (10%) | 5 (16,67%) | 6 (12%) | 17 (12,14%) | 193.77
|
p < 0.001 | |
| Sécondaire | 6 (10%) | 3 (10%) | – | 9 (6,43%) | ||||
| Non scolarisée | 48 (80%) | 22 (73,33%) | 44 (78%) | 114 (81,43%) | ||||
| Coopérative | Oui | 60 (100%) | – | – | 60 (42,86%) | 182
|
p < 0.001 | |
| Non | – | 30 (100%) | 50 (100%) | 80 (57,14%) |
Durée de conservation : La durée moyenne de conservation maximale est de 13, 58 ± 4,08 mois (région du Tchologo) tandis que la valeur minimale de la durée de conservation est de 10 ± 3,86 mois (région de la Bagoué). La durée moyenne de conservation observée dans l’ensemble des régions est de 12,74 ± 5,47 mois (Tableau 2).
Tableau 2. Durée moyenne de conservation du mil dans le District des Savanes
| Régions | Durée de conservation |
| Poro | 13 ± 4,11 mois |
| Tchologo | 13,58 ± 6,08 mois |
| Bagoué | 10 ± 3,86 mois |
| Durée moyenne totale | 12,74 ± 5,47 mois |
Denrées associées lors de la conservation :Le mil est généralement stocké avec d’autres denrées alimentaires (Figure 3). Le maïs est la denrée la plus stockée avec le mil (50,79%), suivi de l’arachide (21,62%), du riz (25,65%) et du haricot (1,94%).
Figure 3 : Différentes spéculations associés au mil lors de la conservation
Contraintes de stockage du mil et solutions proposées par les agriculteurs : Les agriculteurs interrogés ont révélé six contraintes de stockage pour le mil (Figure 4). Les attaques d’insectes constituent la principale contrainte (70 %), suivies des attaques de rongeurs (10 %), de la pourriture des grains (7,86%) et de la perte de poids (2,14%). Certains agriculteurs ont également mentionné l’humidité (2,86%) et les moisissures (2,14%) comme étant des contraintes. Pour 7,86% des producteurs enquêtés, ils ne subissent aucune contrainte lors de leurs conservations. Les types de dégâts des insectes nuisibles de stocks rapportés par les producteurs de mil sont la détérioration des grains, la perte de poids et la perte de la valeur marchande.
Figure 4 : Différentes contraintes rencontrés par les producteurs au cours de la conservation
Nomenclature vernaculaire des insectes ravageurs du mil stocké : Les insectes nuisibles associés au mil stocké avaient des noms différents d’un groupe sociolinguistique à l’autre. Chez les senoufos, les insectes nuisibles sont nommés kagbaou ou madigbaou. Les malinkés et les peulhs appellent les insectes toumou.
Insectes associés au mil stocké et perception des dégâts par les agriculteurs : Six espèces d’insectes ravageurs ont été identifiées dans les échantillons de mil collectés dans les 3 régions d’étude du District des savanes. Ces insectes sont repartis en deux ordres, six familles et six espèces (Tableau 3). Ce sont Tribolium castaneum, Rhyzopertha dominica, Sitotroga cerealella, Cathartus quadricollis, Carpophilus dimidiatus et Sitophilus zeamais.
Tableau 3 : Richesse spécifique des insectes ravageurs rencontrés sur le mil en conservation
| Ordres | Familles | Genres | Espèces |
| Coléoptères | Bostrichidae | Rhyzopertha | Rhyzopertha dominica Fabricius |
| Silvanidae | Cathartus | Cathartus quadracollis Guérin-Méneville | |
| Nitidulidae | Sitophilus | Sitophilus zeamais Motschulsky | |
| Curculionidae | Carpophilus | Carpophilus dimidiatus Fabricius | |
| Tenebrionidae | Tribolium | Tribolium castaneum Herbst | |
| Lépidoptères | Gelechiidae | Sitotroga | Sitotroga cerealella Olivier |
Méthodes utilisées par les agriculteurs pour lutter contre les insectes nuisibles:Certains agriculteurs (57,14%) n’utilisent pas de méthodes de lutte tandis que d’autres (42,86%) préviennent l’attaque du mil stocké. Parmi eux 88,71 % utilisent des insecticides chimiques de synthèse (Figure 5) et 21,37% utilisent une plante à effet insectifuge ou insecticide potentiel. Parmi les producteurs qui n’utilisent aucune méthode, 14% utilisent le séchage afin de réduire l’humidité des grains et 9% utilisent la lutte mécanique (tamisage, vannage, tri).
Figure 5 : Insecticide (Topstoxin)
DISCUSSION
La prédominance masculine parmi les producteurs de mil, notamment dans les régions du Tchologo et de la Bagoué, rejoint les observations de Kouadio et al. (2017) en Côte d’Ivoire, qui soulignent que les cultures céréalières demeurent fortement associées aux activités masculines, tandis que les femmes participent davantage aux opérations de transformation et de commercialisation. Toutefois, la proportion élevée de femmes dans la région du Poro illustre une tendance croissante à la féminisation de l’agriculture dans certaines zones rurales, souvent liée à la migration des hommes vers des activités non agricoles (FAO, 2018). La forte représentation des ethnies sénoufo, malinké et peulh dans la zone étudiée reflète la structure socio-ethnique de la région et corrobore les travaux de Siéné et al. (2024) qui indiquent que ces groupes sociolinguistiques jouent un rôle central dans l’agriculture vivrière au Nord de la Côte d’Ivoire. La prédominance du stockage en sacs dans les habitations et magasins a également été observée au Nigéria par Loko et al. (2019) et au Mali par Baoua et al. (2015). Bien que ce mode de conservation soit largement répandu, il présente des limites, notamment une forte vulnérabilité aux infestations d’insectes et aux attaques de rongeurs. Le stockage en greniers, bien que minoritaire, reste une pratique traditionnelle offrant une meilleure ventilation mais souvent moins hermétique, ce qui favorise aussi les infestations (Chougourou et al., 2017). Par conséquent, le mil est stocké avec d’autres produits, ce qui augmente les dommages causés par les insectes et l’infestation précoce des stocks perçus par les agriculteurs interrogés. En fait, on sait que le mil est sensible à un large spectre d’insectes qui infestent d’autres céréales comme le maïs et le sorgho (Lale et Ajayi, 2000). Les contraintes rapportées par les producteurs, dominées par les attaques d’insectes (70 %) rejoignent les résultats de Fandohan et al. (2005) qui ont montré que les pertes post-récolte dues aux insectes peuvent atteindre 30 à 40 % du stock initial si aucune méthode de gestion efficace n’est adoptée. Les pertes causées par les insectes ravageurs peuvent être à la fois quantitatives et qualitatives et ont été estimées à 17,1% du mil stocké par Boua et al. (2015) pendant 7 mois de conservation. L’identification de six espèces majeures, dont Sitophilus zeamais (le charançon du maïs), Tribolium castaneum (le tribolium rouge de la farine) et Rhyzopertha dominica (le petit capucin des grains), confirme la similarité de la faune entomologique des stocks en Afrique de l’Ouest (Loko et al., 2019 ; Chougourou et al., 2017). La présence de Sitotroga cerealella (la teigne des grains) (Lépidoptère) est particulièrement préoccupante car elle attaque les grains aussi bien au champ qu’au stockage (Delobel et Tran, 1993). Certains producteurs utilisent la méthode chimique comme moyen de lutte contre les insectes tandis que d’autres utilisent la lutte biologique à l’aide des plantes locales. Cette dernière méthode a été utilisée dans de nombreux travaux pour limiter les infestations (Amoabeng et al., 2014). L’utilisation de plantes locales à effet insectifuge ou insecticide potentiel telles que Hyptis suaveolens, rapportée par certains producteurs constitue une alternative durable et moins coûteuse pouvant ainsi répondre à l’urgence de promouvoir des alternatives durables de lutte contre les insectes ravageurs des stocks de mil.
CONCLUSION ET APPLICATION DES RESULTATS
Cette étude a permis de mieux comprendre les pratiques de stockage du mil adoptées par les producteurs. Elle a montré la présence des insectes ravageurs dans les stocks de mil collectés. Il ressort de l’étude que six espèces d’insectes ravageurs appartenant à six différentes familles sont responsables des attaques des grains de mil. Elles appartiennent à l’Ordre des Coléoptères et des Lépidoptères. Il s’agit de : Rhyzopertha dominica, Cathartus quadracollis, T. castaneum, Sitophilus zeamais, Carpophilus dimidiatus et Sitotroga cerealella. Parmi ces ravageurs Sitotroga cerealella, Rhyzopertha dominica et T. castaneum semblent être les principaux ravageurs du mil stocké dans nos différents sites d’études. Les résultats de cette étude constituent une base de données importantes pour l’amélioration des stratégies de gestion post-récolte du mil dans le nord de la Côte d’Ivoire. En mettant en exergue les pratiques traditionnelles de conservation et les principales contraintes rencontrées par les producteurs notamment les attaques d’insectes et de rongeurs, ils offrent des perspectives concrètes pour la mise en œuvre de programmes de lutte intégrée et de formation des producteurs sur les bonnes pratiques de conservation.
REMERCIEMENTS
Les auteurs remercient les producteurs de mil du district des Savanes pour leur collaboration ainsi que les autorités locales (chefs de village, guides religieux et chefs dozos) pour leur appui durant la collecte des données.
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