Évaluation de la susceptibilité aux antimicrobiens des souches de Salmonella spp. et Escherichia coli isolées du lait cru de vache dans la zone périurbaine de Niamey (Niger)

 

Journal of Applied Biosciences 214: 22689 – 22697

ISSN 1997-5902

 

Évaluation de la susceptibilité aux antimicrobiens des souches de Salmonella spp. et Escherichia coli isolées du lait cru de vache dans la zone périurbaine de Niamey (Niger)

 

Salou Souleymane Yacina 1,2, Amadou Morou Madougou5, Abdoulaye Ousmane1,3, Amadou Ali6, Elhadji Saley Adamou Ali1,,Akola Malam Dala Ya-Kawari4,Alio Zoubeida1,Ousmane Dargo Jamila1, Yahaya Ouma Hairou1 et Marichatou Hamani2

  1. Laboratoire National de Santé Publique et d’Expertise, Niamey, Niger
  2. Faculté d’Agronomie, Université Abdou Moumouni, Niamey, Niger.
  3. 3. Faculté des Sciences de la Santé de l’Université Dan Dicko Dankoulodo, Maradi, Niger

4.Faculté des Sciences et Techniques de l’Université Abdou Moumouni, Niamey, Niger.

  1. 5. Organisation des Nations Unis pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)
  2. Organisation Non Gouvernementale SOS Hépatite, Niamey, Niger

*Auteur correspondant : Tel +227 90556010  Email : ya_sasou@hotmail.com

 

Submitted 16/09/2025, Published online on 30/11/2025 in the  https://www.m.elewa.org/Journals/journal-of-applied-biosciences https://doi.org/10.35759/JABs.214.4

 

RESUME

Introduction : Le lait occupe une place stratégique dans le régime alimentaire des populations. Cependant, il peut être vecteur de maladies infectieuses du fait de sa contamination par des pathogènes pouvant ainsi constituer un véritable problème de santé publique.

Objectif : Notre étude visait à évaluer la prévalence et le profil de résistance aux antibiotiques des souches de Salmonella spp. et Escherichia coli isolées du lait cru de vache provenant de deux centres de collecte situés dans la zone périurbaine de Niamey, au Niger.

Méthodologie et Résultats : Un total de 384 échantillons aléatoires soit 192 échantillons par site avaient fait l’objet d’analyses microbiologiques standards. Les isolats avaient été testés à 11 antibiotiques couramment utilisés à travers la technique de diffusion en milieu gélosé. Les analyses microbiologiques avaient révèlé respectivement en saison sèche et pluvieuse une charge moyenne de (4,75 log₁₀ UFC/mL et 5,29 log₁₀ UFC/mL pour E coli, 5,95 log₁₀ UFC/mL et 6,59 log₁₀ UFC/mL pour les coliformes totaux et 0.08 UFC/mL et 0.12 UFC/mL pour les Salmonelles. Nous avions noté une moyenne générale de E. coli et coliformes respectivement de 5,09 log₁₀ UFC/mL et 6,38 log₁₀ UFC/mL. L’antibiogramme avait objectivé une résistance élevée de E. coli (moyenne 45,7%), avec des pics extrêmes pour amoxicilline + acide clavulanique (98,8%), ampicilline (92,5%), et amoxicilline (92,5%). Les souches de salmonelles étaient globalement plus sensibles (moyenne 20,5% de résistance), sauf pour amoxicilline +acide clavulanique (95%) et ceftazidine (60%).

Conclusion et application des résultats: Cette étude réalisée entre 2020 et 2021 avait montré que les souches d’E. coli isolées présentaient une multi-résistance préoccupante à plusieurs antibiotiques d’usage courant, tandis que celles de Salmonella spp. étaient relativement sensibles avec effet saisonnier. Ces résultats denote la nécessité d’adopter une stratégie de lutte contre la résistance aux antimicrobiens, reposant sur une surveillance rigoureuse et un contrôle optimal de l’utilisation des antimicrobiens.

Mots clés : Lait cru, Vache, Salmonella spp., E. coli, Résistance, Niger.

 

ABSTRACT

Introduction : Milk plays a strategic role in people’s diets. However, it can be a vector for infectious diseases due to contamination by pathogens, which can pose a real public health problem.

Objective : Our study aimed to assess the prevalence and antibiotic resistance profiles of Salmonella spp. and Escherichia coli strains isolated from raw cow’s milk collected at two collection centers located in the peri-urban area of Niamey, Niger.

Methodology and results : A total of 384 random samples, or 192 samples per site, underwent standard microbiological analysis. The isolates were tested with 11 commonly used antibiotics. Microbiological analyses revealed average loads of 4.75 log₁₀ CFU/mL and 5.29 log₁₀ CFU/mL for E. coli, 5.95 log₁₀ CFU/mL and 6.59 log₁₀ CFU/mL for total coliforms, and 0.08 and 0.12 for Salmonella in the dry and rainy seasons, respectively. The overall average for E. coli and coliforms is 5.09 log₁₀ CFU/mL and 6.38 log₁₀ CFU/mL, respectively. The antibiogram shows high resistance in E. coli (average 45.7%), with extreme peaks for amoxicillin + clavulanic acid (98.8%), ampicillin (92.5%), and amoxicillin (92.5%), and Salmonella is generally more sensitive (average 20.5% resistance), except for amoxicillin + clavulanic acid (95%) and ceftazidime (60%).

Conclusion and application of results : This study conducted between 2020 and 2021, showed that E. coli exhibits worrying multi-resistance to several commonly used antibiotics, while Salmonella spp remains relatively sensitive with seasonal effects. These results highlight the need to adopt a strategy to combat antimicrobial resistance, based on rigorous surveillance and optimal control of antimicrobial use.

Keywords: Raw milk, Cow, Salmonella spp, E. coli, Resistance, Niger.

 

 

 

 

 

 

 

INTRODUCTION

 

Le lait constitue une source équilibrée de nutriments lui conférant des qualités nutritionnelles exceptionnelles, ce qui fait qu’il occupe une place stratégique dans le régime alimentaire des populations (Salou et al., 2024), (Lawan et al., 2012). Environ 62% de la population de l’Afrique de l’ouest vivra en milieu urbain d’ici 2030, et selon des estimations, l’Afrique de l’ouest comptera 800 millions d’habitants en 2050, actuellement plus de 50% de cette population élèvent du bétail avec plus de 30% de cette population tirant l’essentiel de ses moyens de subsistance de cette activité aux Burkina Faso, Mali et Niger (Broutin et al., 2018). Au Niger, il est estimé que près de 87% de la population pratiquent l’élevage, ce qui fait de ce dernier un facteur économique crucial de réduction de la pauvreté contribuant ainsi à 25% à la sécurité alimentaire et à 15% de revenue des foyers (SDDEL, 2013). Le lait cru peut être sujet à des contaminations biologiques et ou chimiques dans certaines conditions et pouvant être vecteur de transmission de germes pathogènes à l’Homme entrainant ainsi des problèmes de santé (Alambedji et al., 2008). Environ 90% de toutes les maladies humaines liées aux produits laitiers découlent de l’ingestion de lait contaminé (De Buyser et al., 2001), souvent par des pathogènes tels les souches d’E. coli et de Salmonella spp. qui peuvent entrainer des toxi-infections alimentaires (Denis F., 2012) avec une résistance aux antibiotiques (Tadesse et al., 2012). Cette résistance aux antibiotiques est de plus en plus croissante en Afrique de l’ouest (Gassama et al., 2004),(Basadjo et al., 2014). La résistance bactérienne émerge principalement lorsque les antibiotiques sont utilisés de manière excessive et que les bactéries peuvent facilement se transmettre entre individus. Ainsi, l’usage intensif d’antibiotiques à des fins thérapeutiques, préventives fait de nos élevages laitiers, un environnement favorable à l’émergence, au développement et à la diffusion de bactéries pathogènes résistantes (O’Neill J., 2016) (Van Boeckel et al., 2015). Des études menées dans d’autres régions d’Afrique ont déjà mis en évidence la présence de bactéries multi-résistantes dans le lait cru, soulignant l’urgence de cette surveillance (Sifuna et al., 2017), ce qui soulève l’importance de l’évaluation de la qualité sanitaire des produits laitiers destinés à la consommation. C’est dans ce contexte que nous avions mené notre étude qui a pour objectif d’évaluer la qualité microbiologique du lait de vache cru, ainsi que le profil de résistance aux antibiotiques des souches d’Escherichia coli et de Salmonella spp. qui y sont isolées.

 

 

MATERIELS ET METHODES

 

Présentation des sites de collectes: L’étude s’est déroulée au Niger de 2020 à 2021 dans la zone péri-urbaine de Niamey (Niger) au niveau de deux (2) sites : les centres de collecte de Hamdallaye et Kolllo qui ont été sélectionnés pour représenter une variation de la concentration des consommateurs, de l’accès aux marchés, de l’intensité de la production laitière et la proximité de la capitale Niamey.

Échantillonnage: Faute d’études comparables au Niger et pour assurer la représentativité, une prévalence attendue de 50 % de non-conformité microbiologique du lait cru vis-à-vis des germes ciblés a été considérée. Dans ce contexte, et afin de déterminer de manière optimale le nombre d’échantillons à collecter, nous avons utilisé l’équation suivante proposée par Thrusfield (1986) :

N = p × (1 – p) × Z² / i²

où :

  • N représente la taille de l’échantillon,
  • p la prévalence attendue de la maladie, du défaut ou de la non-conformité dans la population,
  • Z la valeur constante (1,96),
  • i la précision souhaitée.

Au total, 384 échantillons composites aléatoires (soit 192 échantillons par site) de lait cru ont été prélevés de façon aseptique selon les méthodes standards (ICMSF, 1986); (IDF, 1990) ; (Bell et al. 1997) ; et (Codex Alimentarius FAO et OMS 2007) pendant deux périodes : une saison sèche et une saison pluvieuse (96 échantillons par période pour chaque site). Les échantillons de lait ont été transportés au Laboratoire National de Santé Publique et d’Expertise de Niamey (LANSPEX) dans une glacière équipée d’accumulateurs de froid, maintenant une température comprise entre 4 °C et 6 °C. Le délai entre le prélèvement et le début des analyses n’a pas excédé 24 heures.

Analyses microbiologiques : Les échantillons prélevés ont été analysés au laboratoire pour la recherche et le dénombrement des Salmonella spp. et d’Escherichia coli, conformément aux normes microbiologiques en vigueur. A savoir :

  • Recherche des Salmonella selon la norme ISO 6579-1 : 2017 : Nous avons utilisé la méthode ISO 6579-1 pour la détection de Salmonella qui comprend : un pré-enrichissement dans l’Eau Peptonée Tamponnée (EPT) (Liofilchem) (37 °C pendant 18h à 24h), suivi d’un enrichissement sélectif en bouillons Rappaport-Vassiliadis Soja (RVS) (Biokar) (42 °C) et Müller-Kauffmann au Tétrathionate-Novobiocine (MKTTn) (Condalab) (37 °C) pendant 24h après incubation ; nous avons ensuite ensemencé sur deux milieux sélectifs solides à savoir. Xylose-Lysine Désoxycholate (XLD) (Milipore) et Hektoen (Liofilchem) incubés en 24 h à 37 °C, puis les colonies suspectes sont repiquées. La confirmation repose sur des tests biochimiques (API 20E ) (Biomereux).

Détection et quantification des coliformes totaux et d’E. coli selon la norme ISO 16649-1 : 2001 : Le dénombrement des coliformes totaux et d’Escherichia coli se fait en préparant des dilutions de l’échantillon, puis en ensemençant 1 mL sur gélose chromogénique pour coliformes (Roth Art.-Nr CL 45.1) en double couche. Après incubation pendant 21 à 24h à 44 °C, on observe les colonies : celles d’E. coli apparaissent bleu-violet grâce à l’activité β-glucuronidase, tandis que les autres coliformes sont colorés en rose.

Tests de sensibilité aux antimicrobiens : Le profil de la sensibilité aux antimicrobiens des souches isoléesd’Escherichia coli et de Salmonella spp.a été évaluée à l’aide de la méthode de diffusion en milieu gélosé selon la technique de Kirby-Bauer, conformément aux recommandations du CA-SFM /EUCAST 2021. Les souches ont été cultivées sur une gélose Mueller-Hinton et ensemencées avec une suspension bactérienne normalisée à 0,5 Mc Farland. Par la suite, des disques imprégnés d’antibiotiques ont été appliqués sur la surface de la gélose.   Les diamètres des zones d’inhibition autour des disques ont été relevés après incubation à 37 °C pendant 18 à 24 heures. Les résultats ont été interprétés en fonction des critères définis par les standards CA-SFM/EUCAST], permettant de classer les souches comme sensibles, intermédiaires ou résistantes. Au total 11 agents antimicrobiens ont été testé : l’ampicilline (AMP) 10 µg, la céfalotine (CF) 30 µg, la céfoxitine (FOX) 30 µg, la gentamicine (GEN) 10µg, la ciprofloxacine (CPR) 5 µg, l’amoxicilline (AX), l’association amoxicilline + acide clavulanique (AMC) (20 μg +10 μg), le céfotaxime (CTX) 30 μg, la ceftazidime (CAZ) 30 μg, le Céftriaxone (CRO) 30 μg, Imipénème (IMI) 10 μg , Aztréoname (AT) 30 μg.   Les résultats ont été interprétés afin de classer qualitativement chaque souche comme sensible, intermédiaire ou résistante. Analyse des données statistiques Les données bactériologiques ont été saisies dans Excel pour la création des graphiques, puis analysées avec SPSS (Statistical Package for the Social Sciences) afin de comparer les fréquences de résistance aux antibiotiques des souches isolées.

 

 

RESULTATS

Tableau 1: Résultat du dénombrement des coliformes

Log de 10 de la moyenne par saison
Bactéries Saison sèche Saison pluvieuse
E. coli 4,75 5,29
Coliformes totaux 5,95 6,59

 

Tableau 2 : Résultats de la recherche des salmonelles

Moyenne par saison de salmonelles
Bactéries Saison sèche Saison pluvieuse
Salmonelles 0,08 0,12

 

Figure 1 : Moyenne des germes par saison

 

Figure 2 : Moyennes générales des germes par type microbien

 

Tableau 3 : Résultat global du test de sensibilité aux antibiotiques

Antibiotiques E. coli Salmonelles
Sensibles (%) Résistants (%) Sensibles (%) Résistants (%)
AMC 1,3% 98,8% 5,0% 95,0%
AMP 7,5% 92,5% 90,0% 10,0%
AT 81,3% 18,8% 90,0% 10,0%
AX 7,5% 92,5% 95,0% 5,0%
CAZ 31,3% 68,8% 40,0% 60,0%
CPR 95,0% 5,0% 100,0% 0,0%
CRO 76,3% 23,8% 95,0% 5,0%
CTX 86,3% 13,8% 100,0% 0,0%
FOX 76,3% 23,8% 95,0% 5,0%
GEN 87,5% 12,5% 100,0% 0,0%
IMI 47,5% 52,5% 65,0% 35,0%
Total 54,3% 45,7% 79,5% 20,5%

Légende : lAmpicilline : AMP, Céfoxitine : FOX, Gentamicine : GEN, Ciprofloxacine : CPR; Amoxicilline : AX,  Aassociation amoxicilline + acide clavulanique : AMC, Céfotaxime : CTX, Ceftazidime : CAZ, Céftriaxone : CRO, Imipénème : IMI, Aztréoname : AT.

Figure 3 : Profil de resistance aux antibiotiques des souches de E. coli

 

Figure 4 : Profil de resistance aux antibiotiques des souches de Salmonella spp.

 

Figure 5: Pourcentage total des souches à la sensibilité et la résistance aux antibiotiques

 

DISCUSSION

 

La présente étude porte sur la prévalence et la sensibilité aux antibiotiques des souches d’E. coli et de Salmonella spp. isolées du lait cru de vache en zone périurbaine de Niamey au Niger. Ces germes sont susceptibles de constituer un risque sanitaire (toxi-infections alimentaires) pour les populations.  Les résultats de notre étude avaient révèlé des moyennes en saison sèche et pluvieuse respectivement de 4,75 log₁₀ UFC/mL et 5,29 log₁₀ UFC/mL pour E. coli, 5,95 log₁₀ UFC/mL et 6,59 log₁₀ UFC/mL pour les coliformes totaux et 0.08% et 0.12% pour les Salmonelles. Ce qui indiquait une forte contamination avec effet saisonnier. Ce dernier pourrait s’expliquer par le fait de l’augmentation de la température ambiante, mais aussi une augmentation de la contamination fécale due aux conditions hygiéniques dégradées pendant la saison pluvieuse, favorisant la multiplication des germes. En dehors de cet effet, il faut noter aussi que le transport du lait vers le centres de collectes aussi. El Marnissi. B et ses collaborateurs confirment dans leur étude réalisée en 2013 cette tendance d’effet saisonnier avec une augmentation des germes en période estivale. Dans notre série, nous avions retrouvé une moyenne générale de Coliformes totaux de 6,38 log₁₀ UFC/mL. (Farougou et al., 2011) au Benin, (Welearegay et al., 2012) en Ethiopie, (Taybi et al., 2014) au Maroc, (Hamiroune et al., 2014) au Maroc, (Seme et al., 2015) au Togo, (Mohamed et al., 2017) en Djibouti, (Maiwore et al., 2018) au Cameroun, (Souleymane et al.,2024) en Côte d’Ivoire et (Amadou et al., 2019) au Niger avaient retrouvé respectivement 2,90 log₁₀ UFC/mL, 4,90 log₁₀ UFC/mL, , 5,48 log₁₀ UFC/mL,4,40 log₁₀ UFC/mL, 3,44 log₁₀ UFC/mL, 3,90 log₁₀ UFC/mL, 2,18 – 3,95 log₁₀ UFC/mL, 4,08 log₁₀ UFC/mL et 3,80 log₁₀ UFC/mL. Les résultats rapportés dans toutes ces differentes études étaient inférieurs à ce que nous avions retrouvés. Cette situation peut résulter des pratiques d’élevage et des conditions de traite du lait. En effet, les Coliformes totaux (6,38 log₁₀ UFC/mL) dans la présente étude étaient nettement supérieurs à la norme dont la limite des teneurs moyennes (coliforme totaux) dans le lait cru fixée par l’UE est de 3 log₁₀ UFC/mL selon le règlement européen 853/2004 (EC, 2024).  Il faut noter que la présence des coliformes ne signifie pas uniquement une contamination fécale mais pourrait aussi indiquer un non-respect des pratiques d’hygiènes ou une contamination de l’environnement (Farougou et al., 2011), (Chye et al., 2004) sachant que les différents degrés de contaminations des échantillons impactent la qualité microbiologique du lait cru (Seme et al., 2015). Ces niveaux élevés de contamination reflètent les conditions hygiéniques insuffisantes observées lors de la traite, ainsi que durant le transport et le stockage du lait destiné à la vente ambulante.. La mauvaise qualité du lait constatée dans notre étude était directement liée aux conditions d’hygiène de base. Certes, la santé du troupeau, les pratiques de traite et les conditions de pré-stockage constituaient les principaux déterminants de la qualité du lait. Aussi, dans notre étude,la plupart des micro-organismes détectés dans le lait cru étaient des contaminants d’origine externe, issus des mamelles, des matériels de traite et des opérateurs.(Chye et al., 2004). Cette contamination était d’autant plus importante que le lait de colportage de la zone périurbaine de Niamey provenait d’élevages où la traite était majoritairement traditionnelle.

Les valeurs de dénombrements d’E. coli obtenues dans la présente étude 5,09 log₁₀ UFC/mL étaient  supérieures à celles obtenues par (Souleymane et al., 2024), (Seme et al., 2015) et (Faroµgou et al., 2011) qui avaient rapporté respectivement des valeurs moyennes de 3,90 log₁₀ UFC/mL, 2,64 log₁₀ UFC/mL et 0,6 log₁₀ UFC/mL. Selon plusieurs auteurs, la présence d’E. Coli, était indicatrice de contamination fécale et révélatrice de la présence probable d’autres entérobactéries pathogènes (Farougou et al., 2011) (Chye et al., 2004). C’est pourquoi, une bonne hygiène de l’environnement des vaches est susceptible de prévenir la présence de E. Coli (Kouamé-Sina., 2010). Il ressort de notre étude que 7% des échantillons étaient contaminés par les Salmonelles. (Bagré et al., 2014), (Chye et al., 2004) et (Mcmanus et al., 1987) avaient aussi rapporté la présence de Salmonella spp. dans les échantillons. (1,4-6%). C’est dire que la présence de Salmonelles constituait déjà un risque pour la santé publique car le lait cru était consommé dans la plupart des cas sans pasteurisation au Niger (Amadou et al., 2019). La présence de Salmonella spp, tout comme celle de E. coli, est un paramètre indicatif de contamination fécale et d’un manque d’hygiène. Les deux bactéries proviennent des mêmes sources de contamination, à savoir les matières fécales des animaux et un environnement insalubre. Par conséquent, la présence d’E. coli dans nos échantillons ne justifiait pas seulement la mauvaise qualité du lait, mais elle rend également plausible la présence d’autres pathogènes entériques, comme les Salmonella spp., qui peuvaient être présentes de manière concomitante. Par ailleurs, le fait que ce lait provienne d’un secteur informel entrave les efforts de modernisation et de mise sur le marché de produits laitiers conformes aux normes alimentaires, ce qui souligne l’importance d’évaluer la qualité du lait à plusieurs niveaux, du producteur au centre de collecte. Les résultats de l’antibiogramme avaient montré une résistance élevée (moyenne 45,7% pour E coli avec des pics extrêmes pour amoxicilline + acide clavulanique (98,8%), ampicilline (92,5%), et amoxicilline (92,5%). Salmonella spp est globalement plus sensible (moyenne 20% de résistance), sauf pour amoxicilline +acide clavulanique (95%) et ceftazidine (60%).  La ciprofloxacine, la céfotaxime, et la gentamicine étaient restées actives vis-à-vis de Salmonella spp.(0–5% de résistance) et la ceftriaxone et la cefoxitime fonctionnaient bien, mais moins sur les souches d’E. coli (~24% de résistance). Les résultats des antibiogrammes avaient montré une résistance élevée avec des pics extrêmes pour certains antibiotiques des souches de E. coli et de Salmonelles isolées du lait de vache cru en zone périurbaine de Niamey. Ces germes présentent une résistance de 90-100% à l’association amoxicilline-acide clavulanique, mais présentent une sensibilité de 80-100% à la ciprofloxacine, la gentamicine, le cefotaxime et l’aztreonam. Globalement, les souches isolées sont résistantes à la classe des pénicillines mais sensibles aux quinolones et aux macrolides. Ces résultats relatifs à la résistance aux antibiotiques observés pour E. coli et Salmonella spp. dans cette étude étaient fréquemment rapportées et constituent un risque pour la sante. Ces résultats étaient similaires à ceux retrouvés par Bagré et al., 2015 au Burkina qui retrouvaient une résistance de 100% à l’association amoxicilline-acide clavulanique, mais étaient supérieurs à ceux rapportés par Savadogo et al., 2010 et Rahimi et al., 2016 . Les taux assez élevés de résistances des bactéries dans notre étude pourraient être dus à l’utilisation incontrôlée des antibiotiques par les éleveurs. En effet, l’étude de (Amadou et al., 2019) qui avait mis en evidence la présence des résidus d’antibiotiques dans le lait cru provenant de six sites du bassin laitier de Niamey contenant un taux allant à 9,9% relevant le non-respect des délais d’attente et aussi l’usage abusif des antibiotiques confirme notre argument. De même, une autre étude menée par (Lekshmi et al., 2017) venait confirmer nos résultats. (Schwarz et al., 2001) avaient montré que E. coli et Salmonella spp. peuvent résister aux bêta-lactamines par la production de bêta-lactamase conduisant ainsi à l’hydrolyse de ces antibiotiquesEn effet, les bêta-lactamines particulièrement ceux du groupe des pénicillines, sont les plus largement utilisés contre les infections en raison de leur coût peu élevé, leur accessibilité et surtout de leur absence presque totale d’effets indésirables entrainant donc leur surutilisation pouvant donc expliquer les taux élevés de résistance. (Cisse et al., 1993).  Par contre la forte sensibilité vis-à-vis de la ciprofloxacine, la céfotaxime et à l’aztréonam., serait due à leur faible utilisation courante limitant le développement des résistances liées à la pression de sélection. Certaines données d’étude sur la surveillance des E. coli résistant aux antibiotiques relèvent une résistance plus prononcée sur les antibiotiques d’ancienne génération (ampicilline, streptomycine, tétracycline) avec une résistance de plus en plus croissante sur les antibiotiques de nouvelle génération comme les fluoroquinolones et les céphalosporines (Tadesse et al., 2012).

 

 

 

 

 

CONCLUSION ET APPLICATIONS DES RESULTATS

 

Cette étude avait révélé une contamination microbiologique préoccupante du lait, principalement par E. coli et d’autres bactéries fécales et pathogènes, dont le niveau s’accentue davantage durant la saison pluvieuse. La présence d’E. coli indiquait non seulement une mauvaise hygiène, mais aussi un risque potentiel de présence d’autres entérobactéries comme les Salmonella spp. présentes dans 7 % des échantillons analysés. Le profil de résistance aux antibiotiques des souches d’E. coli, élevé notamment aux bêta-lactamines, contraste avec une résistance plus faible pour les Salmonella spp., suggérant un usage excessif d’antibiotiques dans les élevages. Ces résultats soulignent des risques sanitaires importants, notamment pour les consommateurs de lait cru, et la dissémination possible de gènes de résistance. Au vu de ces résultats, et dans une perspective One Health, nous préconisons la mise en place de la pasteurisation obligatoire, le renforcement de la surveillance vétérinaire, l’organisation de programmes de formation à l’intention des éleveurs, ainsi qu’une évaluation systématique de la qualité du lait dans le secteur informel, afin de préserver la santé publique à Niamey.

 

 

REMERCIEMENTS

 

Nous tenons à remercier sincèrement Attinine Soumana Aissa pour son aide précieuse dans la rédaction du manuscrit et Boubacar Ali pour son soutien indispensable dans l’analyse statistique des données.

Déclaration des conflits d’intérêt : Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.

Contributions des auteurs : Tous les auteurs ont contribué à l’acquisition de données, l’analyse et l’interprétation des données et à la rédaction de l’article.

 

 

REFERENCE 

 

Alambedji, R.B., Akakpo, A.J., Teko-agbo, A. et al., (2008). ‘Législation, enregistrement et contrôle des résidus: exemple des antibiotiques dans les aliments au Sénégal’. Manuscrit conférence OIE: Législation, enregistrement et contrôle des médicaments vétérinaires en Afrique Dakar, Sénégal, 25-27 mars 2008-11p.

Amadou, M.M., Douny, C., Moula, N., Scippo, M.L., Delcenserie, V., Daube, G. et al., (2019). ‘Survey on the presence of antibiotic residues in raw milk samples from six sites of the dairy pool of Niamey, Niger’. Vet World, 12(12), pp.1970–4.

Bagré, T., Samandouloµgou, S., Traore, M., Illy, D., Bsadjo-Tchamba, G., Bawa-Ibrahim, H. et al., (2015). ‘Détection biologique des résidus d’antibiotiques dans le lait et produits laitiers de vache consommés à Ouagadoµgou, Burkina Faso’. J App Bioscience, 87(1), p.8105.

Bagré, T.S., Assta, K., Hadiza, I.B., Gertrude, B.T., Ren, D., Cheikna, Z. et al., (2014). ‘Antibiotic susceptibility of Escherichia coli and Salmonella strains isolated from raw and curds milk consumed in Ouagadoµgou and Ziniar, Burkina Faso’. Afr J Microbiol Res, 8(10), pp.1012–6.

Bonkoungou, I.J.O., Lienemann, T., Martikainen, O., Dembele, R., Sanou, I., Traore, A.S. et al., (2011). ‘Diarrhoeagenic Escherichia coli detected by 16 plex PCR in children with and without diarrhea in Burkina Faso’. Clinical Microbiology and Infection, 18, pp.901–6.

Broutin, C., Levard, L. and Goudiaby, M.C., (2018). Projet « Renforcer les capacités de plaidoyer des sociétés civiles ouest-africaines et européennes pour des politiques commerciales favorables aux filières « lait local » en Afrique de l’Ouest ».

Bsadjo-Tchamba, G., Bawa, I.H., Nzouankeu, A., Bagré, T.S., Dembélé, R., Bonkoungou, I.J.O. et al., (2014). ‘Occurrence and antimicrobial susceptibility of Escherichia coli and Salmonella spp. isolated from “zoom-koom” beverage and ice in Ouagadoµgou, Burkina Faso’. African Journal of Microbiology Research, 8, pp.3243-3249.

Chye, F.Y., Abdullah, A. and Ayob, M.K., (2004). ‘Bacteriological quality and safety of raw milk in Malaysia’. Food Microbiology, 21(5), pp.535–41.

Cissé, M.F., Sow, A.I., Dièye-Sarr, E., Boye, C.S., Gaye-Diallo, A., Diop, D. et al., (1993). ‘Sensibilité aux antibiotiques des souches de Salmonella isolées en milieu pédiatrique dakarois. Recherche de bêta-lactamase et de plasmides’. Bull Soc Pathol Exot, pp.43–7.

Commission Européenne(EC)., (2004). ‘Règlement N° 853 du 29 Novembre 2004 fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale’. J.Off.Comm.Eur., 2004.L226/22, 61p.

De Buyser, M.L., Dufour, B., Maire, M. and Lafarge, V., (2001). ‘Implication of milk and milk products in food borne diseases in France and in different industrialised countries’. Int J Food Microbiol, 67(2), pp.1–17.

Denis, F., (2012). ‘Diagnostic et contrôle en médecine humaine des toxiinfections alimentaires collectives’. Bulletin de l’Académie Nationale de Médecine, 196(8), pp.1673–82.

E Rahimi, S.H., Chaleshtori, P. and Parsaei, P., (2011). ‘Prevalence and antimicrobial resistance of Escherichia coli O157 isolated from traditional cheese, ice cream and yoghurt in Iran’. Afr J Microbiol Res, 5(22).

Etude_systemes_d_elevage_niger.RECA-Niger. (2019). Analyse de l’évolution des systèmes d’élevage dans le bassin périurbain de Niamey (sous bassins laitiers de Kollo et Hamdallaye). Niamey: RECA-Niger.

Gassama, A., Aidara-Kane, A., Chainier, D., Denis, F. and Ploy, M.C., (2004). ‘Integron-associated antibiotic resistance in enteroaggregative and enteroinvasive Escherichia coli‘. Microbial Drµg Resistance, 10, pp.27-30.

Hamiroune, M., Berber, A. and Boubekeur, S., (2014). ‘Qualité bactériologique du lait cru de vaches locales et ameliorées vendu dans les régions de Jijel et de Blida (Algerie) et impact sur la santé publique’. Annales de Medecine Veterinaire, 158(2), pp.137-144.

Kouamé-Sina, S.M., Bassa, A., Dadié, A., Makita, K., Grace, D., Dje, M. and Bonfoh, B., (2010). ‘Analyse des risques microbiens du lait cru local à Abidjan (Côte d’Ivoire)’.

Lawan, M.K., Abdulsalawu, F.O., Suleiman, A., Aluwong, T. and Yaqub, L.S., (2012). ‘Microbial Assessments of Bulk Milk Before and After Pasteurization in Two Different Dairy Farms in Zaria, Nigeria’. Int J Dairy Sci, 7, pp.103-108.

Lekshmi, M., Ammini, P., Kumar, S. and Varela, M.F., (2017). ‘The Food Production Environment and the Development of Antimicrobial Resistance in Human Pathogens of Animal Origin’. Microorganisms, 5(1), p.11.

Maïworé, J., Baane, M.P., Amadou, A.T., Ouassing, A.D. and Ngoune, L.T., (2018). ‘Influence des conditions de la traite sur les qualités physico-chimiques et microbiologiques du lait cru collecte à Maroua, Cameroun’.

Marnissi, B.E. and Belkhou, R., (2013). ‘Caractérisation microbiologique et physicochimique du lait cru et de ses dérivés traditionnels Marocains (Lben et Jben)’. 8.

Mcmanus, C. and Lanier, J.M., (1987). ‘Salmonella, Campylobacter jejuni, and Yersinia enterocolitica in Raw Milk’. Journal of Food Protection, 50(1), pp.51–5.

Mohamed, A.F., Somda, M.K., Fourreh, A.E., Okieh, A.A., Said, C.N., Mérito, A. et al., (2017). ‘Evaluation of Microbiological quality of raw milk from farms and dairy producers in six districts of Djibouti’. JFood MicrobiolSaf Hyg.

Taybi, A.N.O., Arfaoui, M. and Fadli, M., 2014. The microbiological quality of raw milk in the Gharb region of Morocco. International Journal of Innovation and Scientific Research, 2, pp.487–493.

O’Neill, J., (2016). Tackling drµg-resistant infections globally: final report and recommendations. The Review on Antimicrobial Resistance.

Organisation mondiale de la santé animale (OIE)., (2017).

Salou, S.Y., Madoµgou, A.M., Abdoulaye, O., Marichatou, H., Maman, S.F.S., Guiet, M.F. et al., (2024). ‘Qualité bactériologique du lait cru et fermenté au Niger: Revue systématique de la littérature’. Revue du Liptako G ourma pour une seule Santé (one Health), 1, pp.17–29.

Savadogo, A., Ouattara, C.A.T., Ilboudo, A.J., Karou, D., Savadogo, C.A.T.O., Ilboudo, D.K. et al., (2010). ‘Isolation and Susceptibility to Antibiotics of Bacterial Strains From Burkina Faso Fermented Milk Samples’.

Schwarz, S. and Chaslus-Dancla, E., (2001). ‘Use of antimicrobials in veterinary medicine and mechanisms of resistance’. Vet Res, 32(3/4), pp.201-225.

Seme, K., Pitala, W. and Osseyi, G.E., (2015). ‘Qualité Nutritionnelle et Hygiènique de laits crus de vaches allaitantes dans la région maritime au Sud-Togo’. European Scientific Journal, 6(3), pp.1857-7881.

Sifuna, K.A., Ombui, J.N. and Mburµgu, E.K., (2017). ‘Prevalence and antimicrobial susceptibility of Escherichia coli and Salmonella spp. isolated from raw milk in selected dairy farms in Bungoma County, Kenya’. International Journal of Microbiology and Biotechnology, pp.1–8.

  1. Faroµgou, Kpodékon, T.M., Sessou, P., Youssao, I., Boko, C., Yèhouenou, B. et al., (2011). ‘Qualité microbiologique du lait cru de vache élevée en milieu extensif au Bénin’. Research Journal of Microbiology, 7(7), pp.337–43.

Souleymane, S., Maimouna Liliane, K., Seri Serge, G., Abdoulaye, T. and Yadé Réné, S., (2024). ‘Microbiological Quality of Raw and Pasteurized Milk from the Korhogo Dairy’. AJMR, 12(2), pp.13–7.

Tadesse, D.A., Zhao, S., Tong, E., Ayers, S., Singh, A., Bartholomew, M.J. and Mc Dermott, P.F., (2012). ‘Antimicrobial drµg resistance in Escherichia coli from humans and food animals, United States, 1950-2002′. Emerg Infect Dis, 18(5), pp.741-749.

Van Boeckel, T.P., Brower, C., Gilbert, M., Grenfell, B.T., Levin, S.A., Robinson, T.P. et al., (2015). ‘Global trends in antimicrobial use in food animals’. Proc Natl Acad Sci USA, 112(18), pp.5649–54.

Welearegay, H., Yilma, Z. and Tekle-Giorgis, Y., (2012). ‘Hygienic practices and microbiological quality of raw milk produced under different farm size in Hawassa, southern Ethiopia’. Agricultural Research and Reviews, pp.132–42.

 

 

Posted in .