Journal of Applied Biosciences 208: 22026 – 22035
ISSN 1997-5902
Paramètres dendrométriques et potentiel de séquestration de carbone des agrosystèmes caféiers de la région montagneuse en Côte d’Ivoire
PIBA Serge Cherry1*, KARIDIOULA Tinnin Patricia1, MISSA Koffi2
1 Université de Man, UFR Ingénierie Agronomique, Forestière et Environnementale, BP 20 Man, Côte d’Ivoire
2 Université Nangui Abrogoua, Centre de Recherche en Ecologie, 02 B.P. 801 Abidjan 02, Côte d’Ivoire
*Auteur Correspondant : Piba Serge Cherry. Serge.piba@univ-man.edu.ci
ORCID ID: https://orcid.org/0009-0000-7993-9990
Submitted 20/03/2025, Published online on 31/05/2025 in the https://www.m.elewa.org/journals/journal-of-applied-biosciences https://doi.org/10.35759/JABs.208.1
RESUME
Objectif : déterminer les caractéristiques dendrométriques des agrosystèmes caféiers de la région de l’ouest montagneux de la Côte d’ivoire et évaluer leur potentiel de séquestration de carbone pour estimer leur contribution à atténuation du changement climatique.
Méthodologie et Résultats : Les relevés de surface ont servi de base méthodologique pour cette étude. Au total, 30 parcelles ont été échantillonnées dans 3 Départements (Man, Facobly et Biankouma). La quantité de carbone ligneux a été estimée dans des placettes carrées de 100 m2 pour les caféiers et dans toute la plantation pour les espèces conservées à partir de la biomasse totale selon l’équation de type polynomial et le modèle allométrique. Les résultats montrent que les individus de caféiers présentent un diamètre moyen de 4,45 ± 3,74 cm, une hauteur moyenne de 3,37 ± 1,43 m et une densité de 1268 ± 342 ind.ha-1 contre respectivement 39,8 ± 25,9 cm, 9,56 ± 5,41 m et 24,88 ± 16,10 ind.ha-1 pour les espèces conservées. Les espèces les plus prépondérantes sont Eleais guineensis, Albizia adianthifolia, Albizia zigya et Morinda lucida. Les agrosystèmes de cette région montagneuse séquestrent en moyenne 28,88 ± 16,03 tC.ha-1 et 105,9 ± 61,23 tCO2.ha-1 et participent activement à la séquestration du carbone atmosphérique et piégeage du dioxyde de carbone.
Conclusions et application des résultats : Ces résultats montrent l’intérêt des agrosystèmes de l’Ouest de la Côte d’ivoire dans la préservation de la flore et dans le stockage de carbone. Ils peuvent être utilisés dans le cadre de la valorisation du café produit dans cette région de la Côte d’Ivoire et pour montrer l’importance des agrosystèmes dans la réduction des gaz à effet de serre.
Mots clés : Agrosystème, caféiers, espèces conservées, Ouest, Côte d’ivoire
Endrometric parameters and carbon sequestration potential of coffee-based agroecosystems in the mountainous region of Côte d’Ivoire
ABSTRACT
Objective: To determine the dendrometric characteristics of coffee-based agroecosystems in the mountainous western region of Côte d’Ivoire and to evaluate their carbon sequestration potential in order to estimate their contribution to climate change mitigation.
Methodology and Results: Surface surveys served as the methodological basis for this study. A total of 30 plots were sampled across three departments (Man, Facobly, and Biankouma). The amount of woody carbon was estimated in 100 m² square plots for coffee trees and across the entire plantation for conserved species, based on total biomass using a polynomial equation and an allometric model. The results show that coffee trees have an average diameter of 4.45 ± 3.74 cm, an average height of 3.37 ± 1.43 m, and a density of 1268 ± 342 individuals per hectare (ind.ha-¹), while conserved species exhibit an average diameter of 39.8 ± 25.9 cm, an average height of 9.56 ± 5.41 m, and a density of 24.88 ± 16.10 ind.ha–¹. The most predominant species are Elaeis guineensis, Albizia adianthifolia, Albizia zygia, and Morinda lucida. The agroecosystems in this mountainous region sequester an average of 28.88 ± 16.03 tons of carbon per hectare (tC.ha–¹) and 105.9 ± 61.23 tons of carbon dioxide per hectare (tCO₂.ha–¹), actively contributing to atmospheric carbon sequestration and carbon dioxide capture.
Conclusions and Application of Results: These results highlight the importance of agroecosystems in western Côte d’Ivoire for flora preservation and carbon storage. They can be used to promote the value of coffee produced in this region and to demonstrate the role of agroecosystems in reducing greenhouse gases.
Keywords: Agroecosystem, coffee trees, conserved species, West, Côte d’Ivoire.
INTRODUCTION
La séquestration du carbone, définie comme le processus par lequel le dioxyde de carbone (CO₂) est capturé de l’atmosphère et stocké dans des réservoirs naturels ou artificiels, joue un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique (Mbow, 2009). Ce mécanisme est essentiel pour atténuer l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, contribuant ainsi à la stabilisation du climat mondial (IPCC, 2021). Les écosystèmes forestiers, en particulier, sont reconnus comme des puits de carbone majeurs, capables de stocker d’importantes quantités de carbone dans leur biomasse et leurs sols (GIEC. (2003). Selon IPCC (2007), 650 milliards de tonnes de carbone sont contenus dans les forêts du monde. Cependant, la déforestation et la dégradation des forêts, principalement dues à l’expansion agricole et à l’exploitation forestière non durable, ont entraîné une réduction significative de ces réservoirs naturels de carbone (FAO (2020). Cette perte de couvert forestier a non seulement des implications négatives sur le cycle global du carbone, mais aussi sur la biodiversité et les services écosystémiques qu’ils fournissent (Altieri et Pengue, 2006). Dans ce contexte, l’agroforesterie émerge comme une solution prometteuse pour concilier production agricole et conservation de l’environnement. L’intégration des arbres dans les systèmes agricoles permet de restaurer les fonctions écologiques des paysages tout en améliorant la séquestration du carbone (Atangana et al., 2014). Les systèmes agroforestiers, tels que les agrosystèmes caféiers, offrent un potentiel significatif pour le stockage du carbone dans la biomasse aérienne et souterraine, ainsi que dans les sols (Nair et al., 2009). De plus, ces systèmes participent à la conservation de la biodiversité en fournissant des biotopes pour diverses espèces et en maintenant la connectivité des écosystèmes (Vroh et al., 2017). Dans le département de Man, en Côte d’Ivoire, les agrosystèmes caféiers représentent une composante essentielle de l’économie locale et du paysage agricole. Cependant, leur potentiel en matière de séquestration du carbone et de conservation de la biodiversité reste peu documenté. Cette étude vise à combler cette lacune en déterminant le potentiel de séquestration de carbone des agrosystèmes caféiers dans cette région. En évaluant la quantité de carbone stockée dans la biomasse et les sols de ces systèmes, cette recherche contribuera à une meilleure compréhension de leur rôle dans l’atténuation du changement climatique et la préservation de la biodiversité.
MATERIEL ET METHODES
Site d’étude : Cette étude a été réalisée de Févier à Mars 2024 dans 30 agrosystèmes caféiers dans le District des montagnes, dans la Région Ouest semi-montagneuse de la Côte d’Ivoire entre 8°00 et 7°30 de longitude Ouest et 8°10, 7°30 de latitude Nord (Figure 1). Les Département de Man, Biankouman et Fakobly ont été investigués. Dans la zone d’étude, le relief est très accidenté avec des altitudes élevées, souvent au-delà des 1000 m dans ces parties nord et centre. La végétation dominée par des jachères et des cultures pérennes (caféiers, cacaoyers, hévea) appartient au secteur montagnard du domaine Guinéen. La végétation dominante était autrefois des forêts denses humides des montagnes (Guillaumet et Adjanohoun, 1971). Les plantations retenues ont été choisies de façon sur la de leur appartenance au programme Café-Cola de la station régionale du Centre National de recherche Agronomique (CNRA). Ce sont 10 parcelles dans le Département de Man, 09 Facobly et 08 à Biankouma.
| Côte d’Ivoire |
| Site d’étude |
Figure 1 : Localisation géographique de la zone d’étude
Collecte des données : Le relevé de surface a été retenu pour cette partie de l’étude. Deux approches ont été utilisées. La première a consisté à dénombrer et recenser les paramètres dendrométriques (taille, circonférence à hauteur de poitrine, nombre d’individus) des caféiers à l’intérieur de placette de 100 m2 , soit 10 m de côté (10 m x 10 m). Deux placettes ont été réalisées par plantations, soit un total de 60 placettes à l’échelle de l’étude. Un second relevé a été réalisé sur toute l’étendue de chaque parcelle pour identifier, dénombrer caractériser (Leurs paramètres dendrométriques) tous les individus de plante ligneuse préservés ou cultivés autre que les caféiers de diamètre à hauteur de poitrine supérieur à 9,55 cm (dbh > 9,55). Pour permettre le calcul des densités, un GPS a été utilisé pour définir la superficie de chaque parcelle. La nomenclature utilisée était celle de Aké-Assi (2001, 2002). Les espèces végétales recensées ont été identifiées par comparaison avec l’herbier du Centre National de Floristique (CNF) sis à l’Université Félix Houphouët-Boigny. La base de données en ligne GBIF (Global Biodiversity Information Facility, https://www.gbif.org/) a été utilisée pour l’identification botanique des espèces végétales. La nomenclature des familles a été mise à jour selon le système APG IV (APG IV 2016).
Traitement et analyses des données
– Densité : C’est le nombre d’individus par unité de surface. Elle s’exprime en nombre d’individus/ha. La densité observée ou densité réelle est le rapport de l’effectif total des individus dans l’échantillon (N) par la surface échantillonnée (S).
D : densité (ind/ha) ; N : Effectif total du peuplement ; S : surface de l’échantillon (ha)
Quantité de carbone et de dioxyde de carbone séquestrées : Le calcul du potentiel de séquestration de carbone a été réalisé par la méthode du GIEC (2006). L’estimation du stock de carbone dans les écosystèmes forestiers requiert la détermination de la biomasse totale qui est la somme des biomasses aériennes et des biomasses souterraines. Ils correspondent aux différentes parties, aériennes et souterraines, des plantes qui jouent un rôle important dans la capture du dioxyde de carbone atmosphérique et dans le cycle de carbone.
La biomasse aérienne pour chaque ligneux est obtenue par la formule suivante :
(BA) AGB= 0,0673 × (𝛒 × D² × H)0,976
Avec AGB (Above Ground Biomass) : biomasse aérienne en Kg ; D : diamètre du tronc en cm ; H : hauteur totale de l’arbre en m et 𝛒 : densité spécifique du bois en g/cm3.
La biomasse souterraine ou racinaire (BGB : Below Ground Biomass) est une résultante de l’estimation de la biomasse aérienne :
BGB = 0,37 x AGB
La biomasse totale ou total biomass (TB) par plantation est obtenue par addition des biomasses aériennes et des biomasses souterraines, selon l’équation ci-dessous :
TB = Σ AGB + Σ BGB
Le stock de carbone séquestré correspond à 50% de la biomasse totale GIEC (2006). Le dioxyde de carbone (CO₂) séquestré se calcule en faisant intervenir le rapport des masses molaires du carbone et du CO₂.
La masse de CO₂ est calculée selon l’expression suivante :
m(CO₂) = C x (44/12)
Avec m(CO₂) : quantité de CO₂ séquestré ; exprimée en Kg et C : quantité de carbone stocké dans un arbre en Kg.
Analyse de données : Les valeurs de densité, de carbone et de CO2 séquestrés obtenues ont été soumises à un test statistique en vue de mettre en évidence la significativité des valeurs entre les 3 Départements. Les analyses statistiques ont été effectuées à l’aide du logiciel Graph Pad Prism 8.01 (San Diego, Californie, USA). L’ANOVA1 (Analyse de la variance à un facteur) suivi par le test de comparaison de Turkey et le test de Student ont été utilisés pour identifier les différences entre les plantations des différents départements. Les différences sont significatives pour p < 0,05 et non significative pour p> 0,05.
RESULTATS
Paramètres dendrométriques des agrosystèmes
Paramètres des caféiers: Au total 1487 individus de caféiers ont été dénombrés dans le cadre de cette étude. Le Diamètre moyen des individus est de 4,45 ± 3,74 cm. La hauteur moyenne 3,37 ± 1,43 m. La densité moyenne des caféiers est de 1268 ± 342 ind.ha-1 dans les agrosystèmes de la région des montagnes. A l’échelle des Département, la densité obtenue dans le département de Man est de 1118,18 ± 235 ind.ha-1 contre 1350 ± 314 ind.ha-1 à Facobly et 1500 ± 463 ind.ha-1 dans le département de Biankouma. Les analyses de variances ne montrent pas de différences significatives de la densité moyenne d’individus de caféiers (p>0,05).
Paramètres des espèces spontanées et cultivées : Au total, 67 espèces réparties en 34 genres et 22 familles ont été inventoriées, pour 478 individus dénombrés. Les genres Albizia, Citrus et Terminalia, avec chacun deux (2) espèces sont les plus représentés. Quant aux familles les plus représentées, ce sont : les Fabaceae (5 espèces), les Malvaceae et les Moraceae, 4 espèces (Figure 5). Le diamètre moyen des individus d’espèces conservées à l’intérieur des agrosystèmes caféiers est de 39,8 ± 25,9 cm. Leur hauteur moyenne de 9,56 ± 5,41 m. La densité moyenne des espèces conservées observées dans la zone d’étude est de 24,88 ± 16,10 ind.ha-1. La densité moyenne de ces espèces conservées ne varie pas significativement un Département à un autre. Les Départements de Facobly (27,98 ± 19 ind.ha-1) et Man (26,86 ± 16 ind.ha-1) ont présenté les densités les plus élevées tandis que la plus basse est celle du département de Biankouma (17,2 ± 11 ind.ha-1). Les individus à forte densité (Tableau 1) sont Eleais guineensis (3,35 ± 2,4 ind.ha-1), Albizia adianthifolia (2,49 ± 3 ind.ha-1), Albizia zigya (2,43 ± 3,9 ind.ha–1, Figure 2), Morinda lucida (2 ± 3,3 ind.ha-1).
Tableau 1 : Liste des individus à forte densité
| Espèces | Familles | Densité Ind/ha-1 |
| Elaeis guineensis Jacq. | Arecaceae | 3,35 ± 2,4 |
| Albizia adianthifolia (Schum.) W.F. Wright | Fabaceae | 2,49 ± 3 |
| Albizia zygia (DC.) J. F Macbr | Fabaceae | 2,43 ± 3,9 |
| Morinda lucida Benth. | Rubiaceae | 2 ± 3,3 |
| Milicia excelsa (Welw.) Berg. | Moraceae | 1,77 ± 2,9 |
| Persea americana Miller | Lauraceae | 1,05 ± 1,9 |
| Terminalia ivorensis A. Chev. | Combretaceae | 1,68 ± 3,6 |
| Mangifera indica L. | Anacardiaceae | 1,13 ± 2,2 |
| Citrus reticulata Blanco. | Rutaceae | 1,06 ± 4,2 |
| Cola nitida (Vent.) Schott & Endl | Malvaceae | 0,97 ± 1,8 |
| Pycnanthus angolensis (Welw.) Warb. | Myristicaceae | 0,72 ± 1,5 |
| Musa paradisiaca L. | Musaceae | 0,61 ± 2,4 |
| Antiaris toxicaria subsp. Welwitshii (Engl.) C. C. Berg | Moraceae | 0,45 ± 1,2 |
| Citrus sinensis L. | Rutaceae | 0,44 ± 1 |
| Psidium guajava L. | Myrtaceae | 0,38 ± 1,2 |
Figure 2 : Individus d’Albizia zygia et A. adiantifolia dans un agrosystème caféiers
Potentiel de séquestration de carbone des agrosystèmes
Potentiel de séquestration des caféiers :Le stock total de carbone séquestré par les caféiers dans les 30 parcelles investiguées est de 351,91 tC. Le stock de CO₂ atmosphérique piégé est de 1290,23 tCO₂. En moyenne, les parcelles stockent 9,44 ± 3,73 tC ha-1 et 34,6 ± 13,71 tCO₂.ha-1 (Tableau 2). Le potentiel de séquestration le plus élevé pour une parcelle est de 52,74 tC et 198,37 tCO₂, avec une moyenne de 85,29 tC.ha-1 et 237,40 tCO₂.ha-1piégé. Les parcelles de Département de Man stockent, en moyenne, 9,38 ± 4,81 tC.ha-1 avec une quantité de CO₂ stockée de 34,4 ± 17,66 tCO₂ ha-1, contre respectivement 10,27 ± 1,68 tC.ha-1 et 37,66 ± 6,19 tCO₂ ha-1 pour le Département de Biankouma et 8,84 ± 2,97 tC.ha-1 et 32,42 ± 10,92 tCO₂.ha-1 pour le Département de Facobly (Figure 9). Par contre, dans les trois Départements, il n’existe pas de différence significative entre les valeurs de carbone et de CO2 séquestrées.
Tableau 2 : Potentiel de séquestration de carbone et de CO2 dans les agrosystèmes
| Caféiers | Espèces conservées | |||
| Carbone séquestré tC ha-1 | CO2 séquestré tCO₂.ha-1 | Carbone séquestré tC ha-1 | CO2 séquestré tCO₂.ha-1 | |
| Zone d’étude | 9,44 ± 3,73 | 34,6 ± 13,71 | 19,44 ± 9,26 | 71,30 ± 50,62 |
| Man | 9,38 ± 4,81 | 34,4 ± 17,66 | 20,66 ± 21,58 | 75,79 ± 79,15 |
| Biankouma | 10,27 ± 1,68 | 37,66 ± 6,19 | 14,52 ± 18,79 | 53,24 ± 68,89 |
| Facobly | 8,84 ± 2,97 | 32,42 ± 10,92 | 21,3 ± 17,66 | 78,12 ± 64,77 |
| P. Value | P > 0,05 | |||
Potentiel de séquestration des espèces conservées : Le stock total de carbone séquestré par toutes les espèces préservées dans les 30 agrosystèmes est de 364,09 tC et 1213,67 tCO₂ pour le CO₂ atmosphérique piégé. En moyenne, les espèces préservées stockent 19,44 ± 9,26 tC ha-1 et 71,30 ± 50,62 tCO₂.ha-1. Il n’existe pas de différence significative entre les valeurs de carbone et de CO2 séquestrées dans les trois Départements. Le potentiel de séquestration en ha le plus élevé pour une parcelle est de 77,80 tC ha-1 et 285,29 tCO₂. ha-1. Les espèces préservées dans les plantations du Département de Man stockent, en moyenne, 20,66 ± 21,58 tC.ha-1 avec une quantité de CO₂ stockée de 75,79 ± 79,15 tCO₂ ha-1, contre respectivement 14,52 ± 18,79 tC.ha-1 et 53,24 ± 68,89 tCO₂ ha-1 pour le Département de Biankouma et 21,3 ± 17,66 tC.ha-1 et 78,12 ± 64,77 tCO₂.ha-1 pour le Département de Facobly (Figure 9 et Tableau VI). Ceiba pentandra a la quantité totale de carbone séquestré la plus élevée avec 33,24 t de carbone et 121,88 t de CO₂ piégé, suivi de Milicia excelsa avec un stock de carbone total de 29,11 t et 106,73 t de CO₂ capté. Elaeis guineensis stocke dans l’ensemble 26,44 t de carbone et 96,94 t de CO₂ atmosphérique. En moyenne ces espèces stockent respectivement 0,22 tC.ha-1 Elaeis. 0,2 tC ha-1, 0,72 tCO₂.ha-1 pour Albizia adianthifolia et 0,18 tC ha-1 pour Albizia zygya (Figure 1).
Figure 2 : Espèces à fortes valeurs de carbone séquestré
Potentiel de séquestration total : Le stock total de carbone et de CO2 séquestrés dans la totalité des plantations est de 716, 01 tC et 2504,0 tCO2. En moyenne les agrosystèmes séquestrent 28,88 ± 16,03 tC.ha-1 et 105,9 ± 61,23 tCO2.ha-1. Dans tous les Départements les différences des valeurs sont significatives entre les stocks moyens de carbone et de dioxyde de carbone séquestrés pour les caféiers comparées autres espèces végétales (p < 0,05 ; Figure 12). La quantité de carbone et de CO2 séquestré à l’hectare est toujours plus importante chez les espèces préservées.
Avec la perte des forêts, les systèmes agroforestiers dans l’ensemble pourraient garantir une partie du stockage de carbone (Dixon 1995). Selon Power (2010), les systèmes agroforestiers fournissent des biens et services diversifiés en plus du rendement de la culture principale. Pour Nair et al. (2009a), cette approche consistant à intégrer ou à laisser une végétation ligneuse contribuerait à une plus grande séquestration du carbone et un niveau élevé de stockage du CO₂ atmosphérique. Cette étude montre que les caféières dans l’ouest montagneux en plus de contribuer à la préservation de la biodiversité jouent un rôle important dans la séquestration du carbone atmosphérique et dans le piégeage du dioxyde de carbone. Au total, les résultats montrent que le stock total de carbone des caféières est de 716, 01 tC et de 2504,0 tCO2 pour une moyenne de 28,88 ± 16,03 tC.ha-1. Ces chiffres sont loin d’être négligeables quand on sait l’importance de la séquestration de carbone sur le climat, l’environnement et la biodiversité. A titre de comparaison, la forêt classée du haut Sassandra en Côte d’Ivoire stocke en moyenne 138,18 tC.ha-1 (Assalé et al., 2021) et la savane de Dindéresso au Burkina Faso 19,94 tC.ha-1 (Ouédraogo et al., 2019 ). Les agrosystèmes de Dindréresso stockent en moyenne 2,85 tC.ha-1 contre 39,05 tC.ha-1 pour les agrosystèmes de la forêt classée du haut Sassandra. Les agrosystèmes caféiers de la région des montagnes présentent ainsi des valeurs moyennes relativement plus importantes que les végétations de certaines savanes et agrosystèmes. Ces valeurs sont liées à la densité de caféiers et des espèces conservées dans la zone montagneuse qui est respectivement de 1268 ± 342 ind.ha-1 et 24,88 ± 16,10 ind.ha-1. Le stockage de carbone (C) atmosphérique dans le sol ou dans la végétation est une alternative permettant d’atténuer la concentration des Gaz à Effet de Serre (GES) dans l’atmosphère (Nair et al., 2009a). Selon IPCC (2021), il est essentiel de réduire les émissions de gaz à effet de serre de tous les secteurs notamment, industriels, économiques et humains, pour maintenir le réchauffement mondial bien en dessous de 2° C si ce n’est à 1,5 °C. Dans les plantations des Département étudiées, les espèces préservées séquestrent en moyenne 19,44 ± 9,26 tC ha-1 et piègent en moyenne 71,30 ± 50,62 tCO₂.ha-1. Leur contribution à la séquestration du carbone dans les caféières est très importante. La conservation des espèces dans les agrosystèmes, en plus de leurs rôles écologique et sociale largement documentés, jouent un rôle important dans la réduction du carbone atmosphérique. Le stock de carbone des ligneux est même plus important à l’hectare que celui des caféiers. Cela s’explique par les faibles valeurs des diamètres et des hauteurs des caféiers qui sont largement inférieures aux paramètres dendrométriques des espèces conservées. Selon Boko (2022) plus les arbres préservés sont hauts avec de gros diamètres, plus le système agroforestier stocke du carbone. La lutte contre les modifications climatiques peut se faire par l’accroissement de la séquestration du carbone dans les agrosystèmes forestiers, les agrosystèmes caféiers devraient être encouragés et valorisés économiquement par les décideurs pour une meilleure préservation de la biodiversité et l’atténuation du changement climatique. Cette étude montre que les espèces qui séquestrent le plus de carbone et de CO2 telles que Ceiba pentadra, Milicia excelsa, Elaeis guineensis sont utiles pour les populations. Elaeis guineensis est une plante alimentaire (Malan, 2008), Milicia excelsa, une plante utilisées dans la construction (Tra Bi, 1997) et Ceiba pentandra, une espèce qui en plus de produire de l’humidité dans les plantations est également une plante alimentaire (Ahoussou et al., 1995). De nombreuses espèces utiles pour les populations devraient être domestiquées et intégrées dans les agrosystèmes pour une gestion durable des ressources naturelles.
CONCLUSION ET APPLICATIONS DES RESULTATS
Cette étude avait pour objectif de caractériser les agrosystèmes de la région montagnes et d‘évaluer leur potentiel de séquestration du carbone. Les investigations montre la densité moyenne des caféiers est de 1268 ± 342 ind.ha-1 contre 24,88 ± 16,10 ind.ha-1 pour les espèces conservées dans les agrosystèmes. Les plus abondantes sont Eleais guineensis, Albizia adianthifolia, Albizia zigya et Morinda lucida. Ces agrosystèmes séquestrent en moyenne 28,88 ± 16,03 tC.ha-1 et 105,9 ± 61,23 tCO2.ha-1 et participent activement à la séquestration du carbone atmosphérique et piégeage du dioxyde de carbone. Les systèmes agroforestiers devraient être encouragés et valorisés pour la préservation de la biodiversité et pour leurs avantages écologiques. La végétation ligneuse associée à des cultures pérennes ou annuelles est une alternative durable à la destruction des forêts et à l’atténuation des causes du dérèglement climatique.
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