Perception paysanne sur la dégradation du paysage forestier dans les arrondissements de Douala III et V, Département du Wouri, Région du Littoral, Cameroun.

Journal of Applied Biosciences 209: 22124 – 22137
ISSN 1997-5902

Perception paysanne sur la dégradation du paysage forestier dans les arrondissements de Douala III et V, Département du Wouri, Région du Littoral, Cameroun.

Ivant Stevy NGANMO1*, Patrice Brice MVOGO OTTOU 1, Ophman NSAME-BILE1,2, Franck Eric TCHAMENI3, Carole TCHINDA METAGNE1, Richard Jules PRISO1
1 Département de Biologie des Organismes Végétaux, Faculté des Sciences, Université de Douala, B.P. 24157 Douala, Cameroun,
2 Station de Recherche Spécialisée sur les Ecosystèmes Marins, B.P. 219, Kribi, Cameroun,
3 Département de Géographie, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Université de Douala, B.P. 1872 Douala, Cameroun.
*Auteur correspondant : stevynganmo670@yahoo.com

Submitted 7/04/2025, Published online on 30/06/2025 in the https://www.m.elewa.org/journals/journal-of-applied-biosciences https://doi.org/10.35759/JABs.209.2

RÉSUMÉ
Objectif : Dans le bassin versant de la région du Littoral camerounais, dans le Département du Wouri, Arrondissements de Douala III et V, les écosystèmes forestiers ont connu une dégradation consécutive et alarmante au point où ils sont devenus presque inexistants. A l’issue de cette observation, une étude a été menée auprès de la population riveraine de ces deux Arrondissements avec pour objectif d’analyser le niveau de perception de la population de ces localités sur l’évolution de leur paysage forestier.
Méthodologie et Résultats: La méthodologie utilisée est celle basée sur les enquêtes semi-structurées participatives au moyen d’une fiche d’enquête comportant les questions ouvertes et les questions fermées dans 08 villages (Pk 17, Pk 18, Pk 19, Pk 20, Japoma, Yassa, Yamsoki et Yatika) de la zone d’étude. Les résultats obtenus montrent que les écosystèmes forestiers se dégradent au fur et à mesure que les années s’écoulent. Un total de 99% des enquêtés soient 99,14 % des hommes et 98,82 % des femmes a signalé une évolution régressive du paysage forestiers des Arrondissements de Douala III et V dans l’espace et dans le temps. De même, 69,65 % des enquêtés soient 72,41 % des hommes et 65,88 % des femmes suggèrent un niveau élevé de la dégradation des écosystèmes forestiers de l’ensemble de la zone d’étude contre 24,38 % qui signalent un niveau de dégradation moyen et 5,47 % qui pensent que le niveau de dégradation du paysage forestier reste faible. L’analyse de la perception sur les facteurs de dégradation a montré que l’urbanisation est le facteur principal de la dégradation des écosystèmes forestiers dans les Arrondissements de Douala III et V avec un pourcentage de 47 % de citations. Elle est suivie de la déforestation (27 %) et de la surpopulation à hauteur de 11 % de citations.
Conclusion et application des résultats: L’urbanisation est le principal facteur de dégradation du paysage forestier dans les Arrondissements de Douala III et V avec pour conséquences ultimes l’augmentation accrue de la température, la pollution de l’air et les inondations abondantes. Ces résultats obtenus, constitueront une feuille de route pour les ONG et les acteurs de la société civile du domaine de conservation des ressources naturelles, lesquels pourront alerter les décideurs politiques de prendre les décisions concrètes en vue de remédier à la dégradation des terres forestières.
Mots clés : Dégradation ; Douala ; écosystèmes forestier ; population, urbanisation.

Farmers’ perceptions of forest landscape degradation in the Douala III and V Sub-Division, Wouri Division, Coastal Region, Cameroon.

ABSTRACT
Objective : In the watershed of the Cameroon Littoral region, and more specifically in the Division of Wouri, Sub-Division of Douala III and V, forest ecosystems have suffered consecutive and degradation to the point where they have become almost non-existent. Following this observation, a study was carried out among the local residents of these two Sub-Divisions with the aim of analysing the level of perception of the population of these localities on the evolution of their forest landscape.
Methodology and results : The methodology used is based on participatory semi-structured surveys using a survey form with open and closed questions in 08 villages (Pk 17, Pk 18, Pk 19, Pk 20, Japoma, Yassa, Yamsoki and Yatika) in the study area. The results show that forest ecosystems are deteriorating as the years go by. A total of 99% of respondents (99.14% of men and 98.82% of women) reported a regressive evolution of the forest landscape in the Douala III and V Sub-Division over space and time. Similarly, 69.65% of respondents, i.e. 72.41% of men and 65.88% of women, suggested a high level of degradation of forest ecosystems throughout the study area, compared with 24.38% who reported an average level of degradation and 5.47% who thought that the level of degradation of the forest landscape remained low. An analysis of the perception of degradation factors showed that urbanization is the main factor in the degradation of forest ecosystems in the Douala III and V Sub-Division, with 47% of respondents citing it. It is followed by deforestation (27%) and overpopulation (11%).
Conclusion and application of results : Urbanization is the main factor in the degradation of the forest landscape in the Douala III and V Sub-Division, with the ultimate consequences of increased temperatures, air pollution and heavy flooding. These results will provide a roadmap for NGOs and civil society players in the field of natural resource conservation to alert political decision-makers to take concrete decisions to remedy forest land degradation.
Keywords: degradation; Douala; forest ecosystems; population, urbanization.

INTRODUCTION

Les forêts tropicales de l’ensemble de la planète représentent une ressource immense pour l’humanité et procurent des services et des biens tels que la mitigation des gaz à l’effet de serre, la protection contre les dérèglements climatiques, la production des aliments et des médicaments pour la population locale et la préservation de la diversité biologique (FAO, 1996). Cependant, ces écosystèmes subissent une dégradation accélérée en raison des activités anthropiques, notamment l’urbanisation, l’agriculture et l’industrialisation. La déforestation liée aux pratiques anthropiques, progresse de façon exponentielle (Bamba, 2010 ; Arouna, 2012) et est citée comme l’une des causes principales de la perte de la diversité biologique, suscitant ainsi l’attention de nombreux scientifiques depuis le sommet de la terre de Rio 1992. Cette dégradation des forêts et des paysages naturels a des conséquences majeures. Entre 1900 et 2000, la FAO a estimé que le continent africain a perdu 52 millions d’hectares de forêts, représentant 56% de la réduction du couvert forestier mondial (FAO, 2014). Les activités agricoles et plus précisément les activités de l’agro-industries actuellement en plein essor au Cameroun, sont à l’origine des pertes de plus de 80 % des forêts, Ndobe & Mantzel (2014) pensent que les superficies recouvertes par la forêt au Cameroun ont diminué d’environ 18,1 % entre 1990 et 2010 soit près de 4 400 000 ha. Dans la région du Littoral, près de 53% des surfaces cultivées sont valorisés, soit 60 % représentant de grandes parcelles industrielles. Douala est illustratif à ce propos avec plus de 22 451 ha d’espaces agglomérés qui évoluent à un rythme de 2,4% par an et un total d’environ 3 347 500 individus à faibles revenus qui doivent partager un écosystème forestier littoral très sensible aux pressions humaines (Nganmo & Priso, 2022). La ville perd en moyenne 300 ha/an sur l’espace périphérique (CUD, 2015) composé essentiellement de forêt atlantique, de mangrove et de prairies inondées. Les pratiques agricoles s’intensifient de plus en plus à travers la colonisation des nouvelles terres pour la mise en place des cultures intensives. Les modifications des unités d’occupation des sols sont principalement plus rapides et consécutives dans les campagnes. Ils sont caractérisés par un changement des formations naturelles en surfaces anthropisées, issues de la déforestation ou de la dégradation du pays forestiers (Hosonuma et al., 2012). Cette dégradation des ressources naturelles est généralement liée aux mécanismes d’utilisation non durable. Les causes principales de la perte des forêts sont entre autres, l’agriculture itinérante, l’élevage extensif, l’exploitation forestière, la carbonisation et les feux de végétation, les changements climatiques, etc. (Avakoudjo et al., 2014 ; Amoussou et al., 2016). Dans le bassin du Congo, l’urbanisation a atteint la côte d’alerte du fait des dynamiques d’urbanisation. De nos jours, 43% de la population vit dans les villes alors qu’à peine 25% était urbanisée il y a 40 ans. En 2030, le seuil de 50% de citadins sera franchi (UN-Habitat, 2014). L’urbanisation est à l’origine de la dégradation d’environ 65% des terres agricoles de l’Afrique, 31% de ses pâturages et 19% de ses forêts et zones boisées (UN-Habitat, 2014). Ce phénomène est plus grave dans les zones côtières qui, de par leur situation d’interface entre l’hinterland et l’extérieur, sont mentionnées dans des mécanismes de métropolisation accentués par la mondialisation. Face à cette situation, il devient judicieux de mener des recherches spécifiques qui permettront d’avoir des données de base pour envisager une gestion durable des ressources naturelles de la ville de Douala et ses environs. Cette étude vise à caractériser la perception paysanne sur la dégradation des écosystèmes forestiers face à l’urbanisation et à l’agriculture dans les Arrondissements de Douala III et V.

MATÉRIELS ET MÉTHODES

Description de la zone d’étude : Le présent travail s’est réalisé dans le Département du Wouri région du Littoral et plus précisément dans les Arrondissements de Douala V et III. Ce Département est choisi en raison de la présence de multiples activités anthropiques qu’on y rencontre notamment de nombreuses infrastructures industrielles et routières déjà construites ou en cours de réalisation, de l’occupation anarchique et consécutive de ses milieux naturels. Les deux (02) Arrondissements utilisés dans le cadre de cette étude ont été retenus en fonction de leur proximité avec le mieux naturel et de l’ampleur des activités anthropiques qui s’y trouvent. Ils couvrent une superficie d’environ 32798,64 ha et sont limités au Nord et Nord-Est par les Arrondissements de Bonalea et Yabassi, au Sud-Est par la commune de Dibamba, à l’Ouest par les Arrondissements de Dibombari, Douala IV, I et II et au Sud par la commune de Douala VI et l’Arrondissement de Dizangué (Figure 1). Douala est caractérisé par un climat équatorial du domaine camerounien, type camerounais maritime avec une grande précipitation pouvant produire 4000 mm/an et la moyenne des températures varie aux alentours de 27°C. Din et al. (2008) pensent que son humidité relative reste élevée toute l’année et avoisine 100%.

Figure 1. Carte de la zone d’étude

Matériels : le matériel utilisé dans le cadre de cette étude concerne un questionnaire d’enquête semi-structuré participative auprès des populations de 08 villages (Pk 17, Pk 18, Pk 19, Pk 20, Japoma, Yassa, Yamsoki et Yatika) de la zone d’étude. Les villages enquêtés ont été choisis sur la base de leur proximité avec les formations végétales ou de la perte récente de ces formations naturelles dans leurs environs. Les personnes enquêtées proviennent de fonctions différentes (Commerçantes, ménagères, étudiants et sans profession).
Pré-test : La réalisation d’une enquête passe par un pré-test qui a pour objectif de mesurer la longueur de l’entretien, d’examiner les questions à poser en vue de valider l’outil de collecte et de s’assurer de la clarté et de la précision des questionnaires (Kaufinam, 1996). Ce pré-test avait été réalisé au mois d’Avril 2023 lors des prospections sur le terrain. En effet, 05 individus avaient été choisis au hasard pour répondre aux questions test et l’interview a été enregistrée pour une analyse ultérieure de tous les points du questionnaire.
Démarche Méthodologique : Les entretiens semi-structurés et les observations directes sont les techniques utilisées pour la collecte de données (Berthier, 2006). L’observation directe est mise en exergue dans ce travail pour visualiser l’aspect de la végétation et des ressources inféodées aux Arrondissements étudiés dans le but de comparer les données observées aux données d’entretien. Les investigations et les entretiens semi-structurés participatifs ont été effectués à l’aide d’une fiche d’enquête renfermant les questions ouvertes et les questions fermées. (Mapongmetsem et al., 2000 ; Nganmo & Priso, 2022). La taille de l’échantillon est de 201 individus choisis au hasard.
Traitement des données : Les données d’enquête ont été traitées avec les logiciels Microsoft office Excel et R Studio version 4.4.0 qui ont permis de réaliser des histogrammes de correspondance sur les différentes perceptions des populations locales. A partir de ces analyses, divers facteurs responsables de la dégradation du paysage forestier sont connus.

RÉSULTATS

Identification des enquêtés : Un total de 201 personnes a été enquêté dans l’ensemble de la zone d’étude. Les individus enquêtés sont constitués en majorité des hommes (58%) et le reste des 42% étaient des femmes. La répartition en fonction des tranches d’âge montre que, 39,8% des enquêtés sont constitués des personnes âgées de [25 à 35 [ans, 27,4% de [35 à 45[ans et 24,4% représente la tranche d’âge des individus âgés de [45 à 55[ans. Seul 8,4% regorge les enquêtés dont l’âge varie de [55 à 75[ans. Les figures 2, 3 et 4 montrent la répartition des enquêtés en fonction des genres, des tranches d’âges et en fonction des villages enquêtés.

Figure 2. Distribution des enquêtés en fonction des genres

Figure 3. Distribution des enquêtés selon leurs tranches d’âges

Figure 4. Pourcentage des enquêtés par villages

Les personnes enquêtées avaient des profils socio-professionnels très variés avec une dominance de trois (03) grand groupes. Les commerçants sont les plus dominants avec 20,9 % des enquêtés, suivi des sans professions (15,4 %) et les ménagères avec 10,4 % sur l’ensemble des enquêtés. L’analyse de la figure 5 donne un aperçu sur la répartition socio-professionnelle des personnes enquêtées.

 

Figure 5. Profil socio-professionnel des personnes enquêtées

Perception des populations sur l’état du paysage forestier : L’analyse de la perception de la population locale sur l’évolution du paysage forestier montre que les écosystèmes forestiers se dégradent au fur et à mesure que les années passent. 99% des enquêtés soient 99,14 % des hommes et 98,82 % des femmes ont signalé une évolution régressive du paysage forestier des Arrondissements de Douala III et V dans l’espace et dans le temps. Cependant, 1 % de des enquêtés soit 0,86 % d’hommes et 1,18 % de femmes n’ont aucune connaissance sur l’état des écosystèmes forestiers de la zone d’étude. L’interprétation de la figure 6 présente la perception de la population sur l’état des forêts en fonction du genre.

 

Figure 6. Perception paysanne sur l’évolution du paysage forestier

Perception des déterminants de la dégradation du paysage forestier : L’analyse de la perception sur les facteurs de dégradation des écosystèmes forestiers (Figure 7) a donné un total de onze (11) facteurs cités à raison de 267 citations. Il ressort de cette analyse que l’urbanisation est le facteur principal de la dégradation des écosystèmes forestiers dans les Arrondissements de Douala III et V avec un pourcentage de 47 % de citations données. Elle est suivie de la déforestation (27 %) et de la surpopulation à hauteur de 11 % de citations. Huit (08) autres facteurs à savoir l’agriculture, le chômage, la famine, l’inaction gouvernementale, l’incivisme, la pauvreté, la recherche de gains financiers et la sécheresse ne représentent qu’un pourcentage de citations inférieur à 4 %. Cependant 2 % de citations n’apporte aucune information sur les déterminants responsables de la dégradation forestière de la zone d’étude.

 

 

Légende : Agri= Agriculture, Aucune info= Aucune information, Défores= Déforestation, L’inac-gouv= L’inaction gouvernementale, RGF= Recherche de gains financiers, Surpop= Surpopulation, Urban= Urbanisation
Figure 7. Perception paysanne sur les déterminants de la dégradation du paysage forestier

L’interprétation des résultats sur la perception des facteurs de dégradation du paysage forestier en fonction du genre (Figure 8) montre que les hommes apportent un nombre de citations beaucoup plus important que les femmes. Pour le facteur urbanisation, ils donnent une citation à hauteur de 58,7 % contre 41,3 % pour les femmes. De même, pour ce qui est des facteurs déforestation et surpopulation pour ne citer que ces derniers, le genre masculin signale une proportion de citations de 53,4 % et 67,7 % respectivement contre 46,6 % et 32,3 % pour le genre féminin.

 

Légende : Agri= Agriculture, Aucune info= Aucune information, Défores= Déforestation, L’inac-gouv= L’inaction gouvernementale, RGF= Recherche de gains financiers, Surpop= Surpopulation, Urban= Urbanisation
Figure 8. Répartition des déterminants de la dégradation du paysage forestier en fonction des citations et des genres

Perception des conséquences de la dégradation du paysage forestier : Vingt-huit (28) éléments ont été cités par les enquêtés comme conséquences qu’ils subissent dues à la dégradation des écosystèmes forestiers (Figure 9). La chaleur intense est la conséquence la plus citée avec 34,64 %, suivie du changement climatique et de la pollution de l’air qui représentent 8,66 % de citations données. A la suite de ces dernières, l’abondance des moustiques, l’augmentation du taux de la maladie, la disparition de la faune sauvage, le rétrécissement voire la disparition des cours d’eaux, l’érosion du sol, l’inondation accentuée, la raréfaction des espèces végétales, la raréfaction des pluies et les tornades très accentuées sont également énumérés avec un pourcentage de citations oscillant entre 2,23% à 5,87 %. Le reste des conséquences (abondance des insectes, augmentation de la famine, destruction de l’atmosphère, disparition des plantes médicinales, excès de pluie, faible rendement agricole, l’irrégularité entre les saisons, pauvreté récurrente, perte des activités agricoles, pollution des cours d’eaux, pollution sonore, promiscuité élevée, raréfaction des fruits naturels comestibles, sécheresse et taux de chômage élevé) suggérées ne représente qu’un pourcentage de citations inférieur à 2 %. Cependant, 0,56 % de citations n’énumère aucune conséquence observée. Spécifiquement, il ressort de cette analyse que, la dégradation et la déforestation accentuée au fil des temps entrainent automatiquement une augmentation accrue de la température.

 

 

 

Figure 9. Perception des conséquences de la dégradation du paysage forestier

Perception des solutions pour lutter contre la dégradation forestière : L’analyse des données sur la perception des solutions de lutte contre la dégradation forestière a donné dix-neuf (19) solutions proposées (Figure 10). Il ressort de cette analyse que, le reboisement est la solution la plus indiquée avec 34,6 % de citations, suivie de la création des espaces verts, du non-abattage des arbres, de l’exploitation durable, de la sensibilisation des riverains et de la création des structures de contrôle de l’occupation du sol qui occupe 11,84 %, 8,86 %, 7,59 %, 7,17 % et 5,06 % de citations respectivement. D’autres solutions à l’instar de la création des emplois, la création des jardins botaniques, la création des parcs, la création des réserves forestières, la création des vergers autour des cases, l’encouragement de la cohabitation, la gestion participative de l’occupation du sol, la limitation de vente de terrain, la limitation des taux de naissance, la lutte contre l’exode rural, la pratique de l’agroforesterie, la réduction de la pollution environnementale et la pénalité pour les riverains qui ne reboisent pas n’occupent que des pourcentages de citations inférieurs à 3,5 %.

 

Figure 10. Perception des solutions de lutte contre la dégradation forestière

DISCUSSION

Perception paysanne sur la dégradation du paysage forestier :
Perception des populations sur l’état du paysage forestier : Les résultats obtenus montrent que, pour les riverains, les forêts des Arrondissements de Douala III et V se sont extrêmement dégradées dans l’espace et dans le temps. Cette analyse corrobore celle faite par Toko et al. (2013a) et Sounon et al. (2007) qui ont attiré l’attention sur la fragmentation effective du paysage forestier au nord du Benin. Il est rapporté que l’appréciation de l’état de dégradation des écosystèmes n’est pas liée au critère genre et ceci est due au fait que la dégradation forestière impacte l’ensemble des ressources (eau, végétaux, animaux et sol) qui sont équitablement utilisées par l’humanité dans son ensemble (Toko et al., 2013a). De même, les effets induits par la fragmentation forestière d’après les populations de Douala III et V comptent en tête, la chaleur intense, la pollution de l’air, le changement climatique, la raréfaction des espèces végétales, l’érosion du sol, la disparition de la faune sauvage et la raréfaction des pluies… Ces appréciations sont en accord avec celles faites par Sinsin et al. (1998) lors de leurs travaux au Nord du Benin sur la grande faune, Leroux (2012) sur l’évolution des unités d’occupation du sol et par Toko et al. (2013b) sur la structure de la végétation. En général, de nombreux travaux sur la dynamique des forêts en Afrique et plus précisément dans les zones soudano-sahéliennes et soudaniennes suggèrent une évolution régressive du paysage forestier. Cette corroboration de l’appréciation des riverains et d’autres résultats liés aux travaux de recherche scientifique soulèvent la nécessité d’étudier les connaissances locales sur la dynamique des surfaces. Dans ce concept et par rapport à la forêt, d’autres chercheurs confirment qu’en absence d’une banque de données bien maitrisée sur la végétation antérieure, l’appréciation des riverains est importante et indispensable pour déduire toute modification dans la végétation (Kouagou et al., 2015). De même, proposant un mécanisme d’utilisation rationnelle des ressources axé sur l’adaptation progressive des mécanismes aux besoins dynamiques des riverains et aux exigences naturelles, Busquet (2006) confirme que : « l’accord d’un intérêt particulier à la connaissance écologique traditionnelle des populations locales est un apport indispensable ».
Déterminants de la dégradation du paysage forestier : Pour ce qui est des facteurs de la dégradation du paysage forestier des Arrondissements de Douala III et V, les résultats montrent que d’après les populations locales, l’urbanisation, la déforestation et la surpopulation sont les déterminants principaux. Cependant, Kouagou et al. (2015), Toko et al. (2013a) dans leurs travaux conclus que l’exploitation forestière, les feux de brousse, le pâturage, l’agriculture, le braconnage et l’érosion des cours d’eaux étaient les facteurs déterminants de la dégradation forestière d’après les enquêtés. Sur l’ensemble de ces déterminants de la dégradation, l’urbanisation est citée comme le facteurs principal par contre pour d’autres auteurs, ce sont les feux de brousses ou l’exploitation forestière et l’agriculture itinérante sur brulis (Kouagou et al., 2015). Cette différence peut s’expliquer par le fait que, les travaux réalisés dans le cadre de cette étude se sont déroulés en plein centre urbain par contre ceux des autres auteurs se déroulaient dans les zones forestières.
Les facteurs de la dégradation des forêts révélés par les riverains proposent en grande partie les éléments inhérents aux activités anthropiques et peu de déterminants environnementaux (sécheresse). Certains autres déterminants indirects (augmentation de la taille de la population et l’indulgence) et d’autres directs (incinération) ont été signalés dans la forêt classée de Ouénou-Bénou par les enquêtés (Toko et al., 2013a). La perception riveraine montre que, les enquêtés reconnaissent bien l’ampleur de l’action humaine sur les écosystèmes forestiers et cette action varie en fonction des zones étudiées. D’après Bamba (2010) aussi bien dans le Bas-Congo que dans la Province orientale de la République Démocratique du Congo, la déforestation est le plus souvent inhérente à trois principaux facteurs que sont l’exploitation et la gestion non rationnelle des ressources forestières, la pression démographique et le faible niveau de vie dû à l’appauvrissement croissant de la population.

CONCLUSION ET APPLICATION DES RESULTATS

A partir de cette étude sur la perception des populations locales, les facteurs déterminants de la dégradation des écosystèmes forestiers des Arrondissements de Douala III et V sont connus. Il s’agit principalement de : l’urbanisation, la déforestation, la surpopulation, l’agriculture, le chômage, la famine, l’inaction gouvernementale, l’incivisme, la pauvreté, la recherche de gains financiers et la sécheresse. Les résultats de l’analyse sur la perception des conséquences issues de la dégradation forestière révèlent que la chaleur accrue est la conséquence ultime la plus citée (34,64 %), suivie du changement climatique et de la pollution de l’air (8,66 %) de citations. Les populations enquêtées proposent dix-neuf (19) mesures pour remédier au problème de la perte du paysage forestier. Ces mesures constituent entre autres : le reboisement, la création des espaces verts, le non abattage des arbres, l’exploitation durable, la sensibilisation des riverains, la création des structures de contrôle de l’occupation du sol, la création des emplois, la création des jardins botaniques, la création des parcs, la création des réserves forestières, la création des vergers autour des cases, l’encouragement de la cohabitation, la gestion participative de l’occupation du sol, la limitation de vente de terrain, la limitation des taux de naissance, la lutte contre l’exode rural, la pratique de l’agroforesterie, la réduction de la pollution environnementale et la pénalité pour les riverains qui ne reboisent pas. Les résultats obtenus de ce travail, constitueront une feuille de route pour les ONG et les acteurs de la société civile du domaine de la conservation des ressources naturelles, d’alerter les décideurs politiques de prendre des décisions concrètes en vue de remédier à la perte des forêts.

REMERCIEMENTS

Nous remercions sincèrement les populations locales des villages Pk 17, Pk 18, Pk 19, Pk 20, Japoma, Yassa, Yamsoki et Yatika qui n’ont ménagé aucun effort pour nous écouter, nous assister et nous fournir des informations utiles lors des travaux de terrain. Nous n’oublions pas aussi tous ceux qui de près ou de loin qui ont apporté efficacement une contribution scientifique pour la réussite de ce travail.

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