Qualité hydro-chimique des ions majeurs et faciès des eaux souterraines dans le département Haraze-Albiar, Tchad

 

Journal of Applied Biosciences 213: 22569 – 22583

ISSN 1997-5902

 

Qualité hydro-chimique des ions majeurs et faciès des eaux souterraines dans le département Haraze-Albiar, Tchad

 

Ali Palouma¹, Mackaye Hassane Taïsso2 Sanga-Haré Emmanuel3

1Université de N’Djamena, Laboratoire de Géosciences, BP 1027 N’Djamena,

Email geosciences@univ-ndjamena.td

2Université de Mongo, Bp 4377 N’Djamena, Email info@upm.edu.td,

3Institut de recherche en Elevage pour le Développement (IRED), BP 433 N’Djamena,

Email ired@irdem-tchad.org

*Auteur correspondant : paloumaali@gmail.com

 

Submitted 12/08/2025, Published online on 31/10/2025 in the https://www.m.elewa.org/journals/journal-of-applied-biosciences  https://doi.org/10.35759/JABs.213.3

 

RÉSUMÉ

Objectif : Au Tchad, les eaux souterraines constituent la principale source d’approvisionnement en eau pour les populations. Cependant, cette ressource est soumise à de multiples pressions, notamment la pollution, la raréfaction due aux changements climatiques, la croissance démographique rapide et l’urbanisation, qui accentuent sa vulnérabilité. La connaissance scientifique de ces eaux est donc indispensable à leur protection et à une gestion durable. C’est dans ce cadre que s’inscrit le présent travail, qui porte sur l’étude de la qualité hydrochimique des eaux souterraines du département de Haraze Albiar.

Méthodes et résultats : Pour atteindre cet objectif, des campagnes de terrain ont été menées en période de hautes et basses eaux, avec des mesures in situ et des prélèvements de quarante-neuf (49) échantillons d’eaux souterraines. Les échantillons ont été analysés en laboratoire et les données traitées. Les résultats montrent des eaux faiblement acides à faiblement basiques (pH entre 5,7 et 9,3), une conductivité électrique comprise entre 113,2 µS/cm et 3860 µS/cm, et une teneur moyenne en solides dissous totaux (TDS) de 983,5 mg/L. Le potassium et le sodium respectent les normes internationales (respectivement ≤12 mg/L et ≤200 mg/L). Le magnésium est modérément élevé tandis que des concentrations très élevées en calcium sont observées dans trois forages (Makorore, Araza Watchalé et Miterine), atteignant respectivement 352 mg/L, 248 mg/L et 240 mg/L. Les anions présentent des concentrations modérées, à l’exception de certains excès en bicarbonate. Globalement, les concentrations élevées en HCO₃⁻, Ca²⁺ et Mg²⁺ indiquent un faciès bicarbonaté calcique et magnésien (76 %). Des teneurs préoccupantes en nitrates (>20 mg/L) et en ammonium sont enregistrées dans les localités de Makorore, Nouar et Asraf.

Conclusion et application des résultats : Les eaux souterraines du département de Harazé-Albiar présentent un faciès dominant bicarbonaté calcique et magnésien, une minéralisation modérée à forte, et des indices de pollution d’origine anthropique. Il est essentiel d’adopter des pratiques agricoles durables, de sensibiliser les populations et de mettre en place des systèmes d’assainissement adéquats pour préserver ces nappes peu profondes, cruciales pour l’alimentation en eau potable.

Mots-clés : Hydrochimie, faciès hydrogéochimique, Harazé-Albiar, eaux souterraines, pollution

 

ABSTRACT

Objective: In Chad, groundwater is the primary source of water for the population. However, this resource faces several challenges, including pollution, scarcity, rapid population growth, and climate change, all of which increase its vulnerability. Understanding this resource from a scientific perspective is crucial for its protection and sustainable management. Therefore, this study examines the hydrochemical quality of groundwater in the Harazé-Albiar region.

Methods and Results: To achieve this goal, field surveys were conducted during both the high- and low-water periods. These surveys included on-site measurements and the collection of forty-nine (49) groundwater samples. The samples were analyzed in the laboratory and the data were processed accordingly. Results show that the waters range from slightly acidic to slightly basic (pH 5.7 – 9.3), with electrical conductivity values between 113.2 µS/cm and 3860 µS/cm, and an average Total Dissolved Solids (TDS) concentration of 983.5 mg/L. Potassium and sodium levels meet international standards (≤12 mg/L and ≤200 mg/L, respectively). Magnesium levels are moderately high, while calcium concentrations are very high in three wells (Makorore, Araza Watchalé, and Miterine), measuring 352 mg/L, 248 mg/L, and 240 mg/L, respectively. Anion concentrations are generally moderate, although some samples show excess bicarbonate. High concentrations of HCO₃⁻, Ca²⁺, and Mg²⁺ lead to a dominant calcium-magnesium bicarbonate facies (76%). Elevated nitrate levels (>20 mg/L) and ammonium were recorded in the localities of Makorore, Nouar, and Asraf.

Conclusion and Application of results: This study shows that groundwater in the Harazé-Albiar region is generally characterized by a calcium–magnesium bicarbonate facies, moderate to high mineralization, and evidence of human-induced pollution. It is essential to promote sustainable agricultural practices, raise community awareness, and implement adequate sanitation systems to protect these shallow aquifers, which are vital for the drinking water supply.

Keywords: Hydrochemistry, water facies, Harazé-Albiar, groundwater, pollution.

 

INTRODUCTION

 

L’eau est une ressource très précieuse et un élément indissociable de la vie. Mais cette denrée est de nos jours soumis à plusieurs contraintes dans le monde et en particulier dans la zone sahélienne au croisé de la raréfaction, une explosion démographique et une pollution croissante, aux effets du changement climatique et à la vulnérabilité de cette ressource. La variabilité interannuelle des précipitations qui va en paire avec les recharges des nappes, fragilise leur renouvellement, influence les compositions chimiques et aggrave leur vulnérabilité à la pollution (Rakotondrabe., 2006, Foto Menbohan et al., 2006). Le système de recharge est en général aussi vecteur de la composition chimique, minéralogique et de pollution de ces nappes (Clark, I. & Fritz,P. (1997) ; Edmunds, W.M. & Gaye, C.B. (1994)). Au Tchad, les eaux souterraines sont considérées comme la principale source d’approvisionnement en eau et sont directement utilisées pour la consommation car elles sont aussi considérées comme les mieux potables. Le département Haraze-Abiar essentiellement constitué de dépôt sédimentaire (sable fin, alluvions et argile) et des nappes peu profond (2,5 – 48m) soumet les eaux souterraines à une vulnérabilité Les pratiques de l’agriculture, l’élevage ainsi que le manque d’assainissement approprié qui sont souvent source d’altération de la qualité des propriétés physicochimiques et bactériologiques des eaux sont observés dans la région. Pourtant la connaissance de la qualité hydro-chimique, qui est souvent le problème de santé publique, est primordiale pour tous usages des eaux. Le présent travail s’intéresse à l’étude de la qualité hydro-chimique des eaux souterraines du département de Haraze-Albiar à travers les forages.

Présentation de la zone d’étude : Le Tchad qui couvre une superficie de 1 284° 000 km² se situe au centre du continent africain avec six (06) pays voisins et aucun débouché maritime. Il se localise entre le 7° et le 24° degré de latitude nord et entre le 14° et le 24° de longitude Est et compte vingt-trois (23) provinces parmi lesquelles la province Hadjer-Lamis au Sud-Ouest du pays, donc l’un de ses quatre (04) départements, le Haraze-Albiar (Fig.1 D) est la zone d’étude. Il se situe à l’Ouest de la province au coordonnée 14,024 et 17,82 de longitude Est et 11,114 et 13,753 de latitude Nord. Il se limite au Nord par le département de Dagana, à l’Ouest par le département de Dababa, au Sud par l’unité administrative de N’Djamena et à l’Est par le Cameroun et la province du Lac Tchad.

 

 

Figure 1 : Localisation de la zone d’étude

 

 

Le climat de la zone d’étude se rapporte à un climat de type Sahélien (Aubreville 1950) caractérise par une température de 30°C en moyenne par an. Comme toutes les autres régions du Tchad, la zone d’étude se distingue par deux saisons : une saison pluvieuse dure 4 à 5 mois (mai-juin à septembre) et une Saison sèche de 7 à 8 mois (octobre à avril-mai). La longue durée de la saison sèche soumet la région à des températures accablantes qui entraine la perte en eau de surface et souterraine par évaporation. La région est caractérisée par un ensemble des formations liées aux processus alluviaux, éoliens et hydromorphes. Le relief est relativement plat dont les altitudes varient entre 270 à 320m. Le Chari côtoie la frontière Cameroun-Tchad orienté Sud-Nord, alimente le département Haraz Albiar et se jette dans le Lac-Tchad (Fig.2). En plus de Chari, le département Haraz Albiar renferme plusieurs cours d’eaux temporaires rendant ainsi l’hydrographie du département dense. La partie Nord-Ouest est occupée par le Lac-Tchad et quelques petits lacs donc la crue en Octobre-Novembre donne naissance à une vaste plaine.

 

 

Figure 2 : Carte hydrographique de la zone d’étude

 

 

La géologie est constituée essentiellement des formations quaternaires d’origine lacustre, fluviatile, ou éolienne, qui couvrent la zone. Il y’a remarquablement des cuirasses et dépôt de la série sableuse ancienne. La zone a une vocation agro-pastorale.

 

 

MATERIELS ET METHODES

 

Matériels :Pour réaliser les travaux de terrain, quelques outils ont été utilisés. Un appareil GPS (GARMIN) a permis de retrouver les ouvrages sollicités et relever les coordonnées géographiques des ouvrages. Un mètre à ruban et une sonde piézométrique ont permis de mesurer les margelles, les niveaux statistiques et les profondeurs des ouvrages de captage des eaux. Un ensemble d’appareils multi paramètre a été utilisé pour les mesures des paramètres in situ. Des bidons en polyéthylènes de 1,5L ont servi à prendre des échantillons d’eaux et conserver à faible degré jusqu’au laboratoire. Enfin, les données ont été traitées par un ensemble de logiciels cartographiques et office.

Méthodes : Sur le terrain, les mesures ont été portées sur les eaux de forages à partir des Pompes à Motricité Humaine (PMH). La localisation et l’identification de la zone d’étude ont été rendues possibles par l’utilisation de la carte topographique de la région repris avec le logiciel QGIS 3.28.2 et a servi à des orientations sur le terrain, le GPS a été utilisé pour relever les cordonnées géographique, le kit de mesure des paramètres in situ, la sonde piézométrique ont été utilisé pour faire respectivement les mesures des certains paramètres sur le terrain et prendre des niveaux piézométriques. Les mesures in situ sont portées sur le pH, la conductivité électrique, la température, le TDS et autres. Pour ce fait, une quantité d’eau est prélevée où les sondes des appareils y sont placées et les valeurs sont relevées sur l’écran de l’appareil. Les échantillons des eaux ont été prélevés, mis en bouteilles en polyétilène et gardés au frais sur le terrain comme au labo pour plus des analyses au laboratoire. Au total quarante-neuf (49) échantillons d’eaux ont été prélevés dans les ouvrages de captage des eaux de consommation pour les analyses physico-chimiques : vingt-six (26) en période des hautes eaux (Fig.3) et vingt-trois (23) en période des basses eaux (Fig.4).

 

 

Figure 3 : Carte d’échantillonnage 1 (période des hautes eaux)

Figure 4 : Carte d’échantillonnage 2 (période des basses eaux)

 

 

Les manipulations au laboratoire furent un ensemble des processus respectant les normes internationales. Pour la détermination des paramètres physicochimiques :

  • Le dosage volumétrique a été utilisé pour le dosage de dureté total, de HCO3, de Calcium et magnésium.
  • Le spectrophotomètre DR 2400 a été utilisé pour l’analyse du Fer total, des sulfates et de l’ammonium.
  • Le spectrophotomètre à flamme : Les ions potassium et sodium ont été analysés par cet appareil.

 

 

RESULTATS

 

  1. a) Balance Ionique (BI) et Corrélation des paramètres (variables) analysés

Balance Ionique (BI) : Les Balance Ionique (BI) des analyses chimiques sont acceptés pour des valeurs comprises entre – 5 et 5% (J.D Hem., 1985). Dans le cas des analyses effectuées pour ces travaux de recherche, les échantillons analysés ont des valeurs de BI comprises entre 3,28% et -4% pour l’ensemble des analyses de deux périodes. Les résultats de ces analyses ont une fiabilité acceptable.

Corrélation des paramètres (variables) analysés : La projection des valeurs des paramètres (variables) dans le cercle de corrélation montre que la quasi-totalité des éléments sont corrélés positivement suivant l’axe F1 à 75,44 %, il s’agit de Na⁺, NO₃⁻, Cl⁻, SO₄²⁻, HCO₃⁻, STD (Fig.5). Ces paramètres sont probablement liés à la minéralisation de la variance expliquée. Sur l’axe F2, la corrélation est à 9,48 % de la variance. Il s’agit principalement de la Turbidité (Tub.) qui est très corrélée à F2. Cette turbidité est donc liée aux matières en suspension et le pH est négativement corrélé à F2 et un peu à F1, une tendance opposée aux autres paramètres.

 

Figure 5 : Cercle de corrélation des variables

 

 

  1. b) Les paramètres physicochimiques

Potentiel d’Hydrogène (pH) : La valeur des pH varie entre 6,90 et 9,56 pour les échantillons prélevés en période des hautes eaux. Dans ce cas, le pH se situe légèrement au déçu de la neutralité. L’unique valeur en dessous de 7 et la plus faible est observée dans la zone de Albalboute (6,90). La répartition des valeurs du pH sur la zone d’étude montre une augmentation de l’Ouest vers l’Est. Pour les valeurs du pH de la 2e campagne de terrain, toutes les valeurs sont comprises entre 6,30 et 7,07. L’ensemble des échantillons ont des valeurs de concentration faiblement acide à 99% pour cette 2e période. Les pH analysés en période de basses eaux sont donc faibles par rapport à ceux analysés en période de hautes eaux. Cette diminution des valeurs de pH serait due à la baisse du niveau des eaux dans les nappes.

 

 

 

Figure 6 : Diagramme de variation des pH

 

 

La Conductivité Electrique (CE) : La conductivité électrique est le reflet de la minéralisation des eaux qui dépend aussi de la formation de l’aquifère et du temps de séjour des eaux de ces formations. Les analyses portant sur la conductivité électrique des eaux souterraines de la zone d’étude montrent une répartition hétérogène de la conductivité électrique. La valeur de la CE varie de 113,9 µS/cm à 4500 µS/cm en hautes eaux. Pour les échantillons des eaux de la période des basses eaux, les valeurs de la concentration en CE est de 164,3 µS/cm à 3860 µS/cm. Dans la globalité, les valeurs des conductivités varient très peu dans les mêmes forages pour les deux périodes différents.

 

 

Figure 7 : Diagramme de variation de CE

 

Le TDS : Les valeurs de TDS des échantillons analysés montrent une répartition très hétérogène. Ces valeurs varient de 58,4 mg/l à 2255,30 mg/l et en période des basses eaux, ces valeurs se limitent entre 83,2 mg/l et 1942,3 mg/l. Il est constaté que les variations dans les mêmes puits ont sensiblement les mêmes allures ainsi que d’une période à une autre, les variations sont faibles.

 

 

Figure 8 : Courbe de variation de TDS

 

 

Dureté Totale ou titre hydrotimétrique (TH) : Les eaux souterraines de la zone d’étude ont des valeurs comprises entre 44,0°F et 1260,0°F pour le cas des eaux échantillonnées en haute période alors que pour les eaux analysées en période basse, les valeurs varient entre 70°F et 1500°F

 

 

Figure 9 : Courbe de variation de TH

 

  1. c) Paramètres chimiques des eaux souterraines: La composition chimique des eaux souterraine est contrôlée par un certain nombre d’éléments chimiques présents dans l’eau, notamment les cations (le calcium, le magnésium, le potassium et le sodium…) et les anions (le bicarbonate, le sulfate, le chlorure, et le nitrate) (Makaila, 2018) Les ions majeurs qui ont été analysés sont les cations (Ca2+, Na+, K+, Mg2+ et NH4+) et les anions (Cl, SO42-, HCO3- et NO3-) et enfin le fer (Fe). Au laboratoire, les analyses ont permis de déterminer les concentrations de cations et des anions dans chaque échantillon d’eau.

 

 

Tableau 1 : Récapitulatif des valeurs de concentration des éléments chimique

Eléments chimique Première campagne : hautes eaux Deuxième campagne : basses eaux
Minimum Maximum Minimum Maximum
Ca2+ 12,8mg/l 352 mg/l 20,8 mg/l 440,0 mg/l
Mg2+ 1,5mg/l 92,3 mg/l 4,4 mg/l 97,2 mg/l
K+ 1,8mg/l 7,2 mg/l 0,8 mg/l 8,9 mg/l
Na+ 3,1 mg/l 35,5 mg/l 1,4 mg/l 22,0 mg/l
NH4+ 0 mg/l 2,82 mg/l 0,0 mg/l 2,95 mg/l
HCO3 51,2mg/l 1322,5 mg/l 73,2 mg/l 1342 mg/l
Cl 2,0 mg/l 44 mg/l 6,0 mg/l 280 mg/l
Fe 0 mg/l à 2,66 mg/l 0,0 mg/l 1,85 mg/l
SO42- 1,0 mg/l 189 mg/l 0,0 mg/l 127 mg/l
NO3 0,0 mg/l 34,2 mg/l 0,0 mg/l 10,0 mg/l

 

 

  1. d) Les concentrations en ions majeurs: Les concentrations de différents ions majeurs pour chaque échantillon d’eau et pour les deux périodes ont été introduites dans le diagramme de Schoeleren échelle logarithmique. Les axes verticaux montrent les concentrations en Ca²⁺, Mg²⁺, Na⁺+K⁺ (cations) et Cl⁻, SO₄²⁻, HCO₃⁻ + CO₃²⁻, NO₃⁻ (anions) facilitant la lecture entre faibles et fortes concentrations. Les concentrations en HCO₃⁻ + CO₃²⁻ sont les plus élevées dans la majorité des échantillons. Cela indique une signature carbonatée typique d’une eau de lessivage de formations calcaires ou dolomitiques. Les concentrations en Ca²⁺ sont majoritairement plus élevées par rapport à celles en Na⁺+K⁺ ou Mg²⁺. Les courbes E1, E2, E8 montrent des pics encore plus élevés que d’autres courbes. Sodium + Potassium (Na⁺ + K⁺) sont plus faibles, tandis que les sulfates (SO₄²⁻) et les chlorures (Cl⁻) sont moyennement présents, bien que certains échantillons (E2, E8) montrent des valeurs élevées, les Nitrates (NO₃⁻) sont en grande partie faibles (<1 mg/L) sauf dans le cas de l’échantillon E2, E8, et E21.

 

Figure 10 : Diagramme de Schoeller des concentrations des ions de l’ensemble des échantillons

 

 

L’analyse hydro-chimique révèle une prédominance des bicarbonates accompagnés de concentration notables en calcium et magnésium, caractéristiques d’eaux de type bicarbonaté calcique et magnésien. La présence de chlorures, sulfates et nitrates suggère une influence anthropique ou évaporitique sur certains échantillons, notamment E6, E14 et E26, qui se distinguent par des concentrations plus élevées. La composition indique une minéralisation modérée à élever, typique des aquifères en contact prolongé avec les roches mères.

  1. e) Faciès des eaux:Les résultats d’analyses intégrés dans le Diagramme de Piper (Fig.11) présentent une concentration forte dans la zone bicarbonatée (CHO3 + CO32+) pour le compartiment anion. Dans le compartiment cation, la majorité des échantillons se situent dans le domaine calcique avec peu de dispersion vers Mg2+ ou Na++K+. Dans le losange (faciès hydro-chimique global), les points sont majoritairement groupés dans la zone bicarbonatée calcique et magnésienne. Le faciès des eaux est un faciès Bicarbonaté calcique ou Bicarbonaté calcique et magnésien. Le faciès global des eaux est donc bicarbonaté calcique et magnésien et révèle le comportement d’une nappe circulant dans un contexte géologique dominé par des formations carbonatées. Quelques Echantillons montrent un enrichissement en ion NO3, Cl

 

 

 

 

 

 

Figure 11 : Diagramme de piper des échantillons des eaux souterraines de deux périodes

 

DISCUSSION

 

Corrélation des paramètres : Les résultats des analyses de deux périodes montrent que certains paramètres des eaux sont proches et corrélés les uns des autres dans la même direction et même quadrant du cercle de corrélation :

  • Na⁺, Cl⁻, SO₄²⁻, HCO₃⁻, STD sont très proches. Ils sont donc probablement influencés par des sources communes : la minéralisation.
  • NO₃⁻, K+ aussi dans la même zone ont probable une origine agricole ou domestique.
  • La position du pH dans la direction opposée, inversement corrélé à la plupart des autres paramètres, s’explique par le fait que plus l’eau est minéralisée, plus le pH est faible.

L’axe F1 reflète principalement la minéralisation de l’eau, probablement due à des acquisitions des ions provenant de la composition géologique de l’aquifère ou du sol traversé et des activités humaines (engrais, eaux usées). L’axe F2 distingue la turbidité (influence physique) des autres paramètres chimiques.

Les paramètres physico-chimiques : Le TDS qui reflète la minéralisation globale de l’eau, permet d’évaluer la potabilité, l’origine géologique des eaux et aussi l’effet de l’eau sur la santé. Les valeurs de TDS dans ce cadre d’étude varient de 58,4 mg/l à 2255,30 mg/l. Bien que certaines valeurs soient inférieures à 300 (excellente selon l’OMS) et d’autres inférieures à 1200 (valeur acceptable OMS), d’autres sont supérieures à (mauvaise, OMS). Cette variation des valeurs serait due à la variation de la composition géologique d’une nappe à une autre. Les eaux souterraines de zone d’étude ont des valeurs de la dureté totale comprise entre 44,0°F et 1260,0°F. Cet intervalle permet de situer ces eaux dans les gammes des eaux très dures avec des fortes concentrations en Ca2+ et Mg2+ responsables de la dureté des eaux. Ce qui suppose aussi des interactions entre ces eaux et les roches telles que les calcaires (contenant des carbonates de calcium CaCO3), la dolomie (contenant le CaMg(CO3)2 et aussi des marnes (mélange d’argile et de calcaire). Les valeurs de pH sont au-dessus de la neutralité, cela serait due à une progression dues faciès des eaux qui passe de bicarbonaté-calcique et magnésien (Fréderic H, 2000, Schuster et al., 2005) et explique l’interaction avec des roches carbonatées (calcaire, dolomie) et aussi par une diminution du pH dans le sens inverse (ouest – est) de distribution des ions. L’augmentation de pH induit souvent la formation d’espèces précipitées qui peuvent limiter la solubilité et la biodisponibilité de toutes les espèces ioniques (Deneux-mustin et al, 2003). Cependant, elle entraîne également la dissolution des matières organiques et la formation consécutive de complexes organométalliques plus solubles. La CE présente une répartition hétérogène. Cette hétérogénéité pourrait être due à la variabilité des faciès d’une part et d’autre part à l’origine de minéralisation de différente roche dans la zone étudiée (ou soit à la formation géologique du milieu) puis le temps de séjour des eaux aussi. Selon la carte de distribution, les valeurs de CE augmentent de l’Est à l’Ouest de la zone d’étude, donc au sens contraire de l’évolution du pH.

Chimie des eaux souterraines : La chimique des eaux souterraines est contrôlée par un certain nombre d’éléments chimiques présents dans l’eau, notamment les cations et les anions : Les concentrations en HCO₃⁻ + CO₃²⁻ sont les plus élevées dans la majorité des échantillons. Cela indique une signature carbonatée typique d’une eau de lessivage de formations calcaires ou dolomitiques. Les concentrations en Ca²⁺ sont majoritairement plus élevées que celles en Na⁺+K⁺ ou Mg²⁺, confirmant l’altération des minéraux carbonatés (calcite, dolomite). Sodium + Potassium (Na⁺ + K⁺) sont plus faibles, ce qui laisse comprendre une faible altération des silicates et une possibilité d’apport anthropique (agricole). Tandis que les sulfates (SO₄²⁻) et les chlorures (Cl⁻) sont modérément présents, bien que certains échantillons montrent des valeurs élevées, pouvant avoir une origine évaporitique ou anthropique (apport des engrais agricole surtout) et les Nitrates (NO₃⁻) sont en grande partie faibles (<1 mg/L) sauf dans les cas des échantillons E2, E8, et E21, ce qui indique une pollution d’origine agricole. L’ensemble des échantillons suggère une origine mixte, dominé par l’altération des roches carbonatées, avec influence secondaire d’activités anthropiques (agriculture ou eaux usées). L’évolution géochimique présente un schéma que plus les eaux souterraines sont éloignées du lac et Chari (c’est à dires les origines de recharge), plus elles sont plus minéralisées. Les échantillons plus minéralisés suivent probablement un trajet plus long dans l’aquifère, favorisant la dissolution de minéraux et acquièrent les polluants. Les résultats des différentes concentrations de chaque élément chimique intégré dans le Diagramme de Piper montrent une concentration forte dans la zone bicarbonatée (CHO3 + CO32+) dans le compartiment anion. Ce qui indique une domination par des processus de dissolution de carbonate (calcite, dolomite) en contexte calcaire. Dans le compartiment cation, la majorité des échantillons se situent dans le domaine calcique avec peu de dispersion vers Mg2+ ou Na++K+. Dans le losange (faciès hydro-chimique global), les points sont majoritairement groupés dans la zone bicarbonatée calcique. Le faciès des eaux est un faciès Bicarbonaté calcique ou Bicarbonaté calcique et magnésien. Les concentrations très élevées en HCO₃⁻ + CO₃²⁻ suivirent de celle de calcium observé dans le diagramme de Schoeler a permis de retrouver un faciès bicarbonaté calcique et magnésien dans e diagramme de piper. Le faciès global des eaux est bicarbonaté calcique et révèle le comportement d’une nappe circulant dans un contexte géologique carbonaté. Quelques échantillons montrent un enrichissement en ion indicateurs des pollutions diffuses (NO3, Cl) ou de mélange avec d’autres types d’eau, mais restent en général dans un bon état hydro-chimique.

Distribution des ions majeurs :Tous les cations analysés (Ca, Mg, N et K) ont une évolution similaire de l’évolution de distribution. Les courbes d’évolution de chaque cation s’étalent de l’Oust à l’Est de la zone de recherche. Ces points indiquent probablement une forte interaction eau-roche, notamment avec des formations carbonatées ou gypseuses riches en Ca²⁺. La concordance des pics de Na⁺, K⁺ et Mg²⁺ dans des zones spécifiques (Massaguet, Haraza, Makorore) suggère une origine commune ou des conditions hydro-chimiques similaires. Cette évolution de gradient Ouest-Est qui est aussi le sens des écoulements des eaux souterraines s’explique par la recharge des nappes de la zone par le Chari et le Lac Tchad qui bordent la zone d’étude respectivement au sud-Ouest et Nord-Ouest. En effet, les nappes aquifères bénéficient d’une recharge issue du fleuve Chari, au sud‑ouest, et du lac Tchad, au nord‑ouest, ce qui explique la mise en place d’un gradient de minéralisation. Les eaux nouvellement infiltrées présentent une faible minéralisation près des points d’infiltrations, tandis que la composition ionique s’enrichit progressivement en Na⁺, K⁺ et Mg²⁺ vers l’aval hydrologique. Cette évolution traduit à la fois l’enrichissement dû aux interactions roche‑eau le long de l’écoulement et la dilution décroissante à mesure que s’éloigne la zone de recharge. Les analyses des concentrations en anions (HCO3, Cl, SO42-, NO3) présentent une évolution similaire de la distribution des cations. Les courbes d’évolutions de chaque anion s’étalent de l’Oust à l’Est de la zone de recherche. On constate à l’est une forte concentration des anions. Ces concentrations traduisent une forte minéralisation d’origine évaporitique et à la dissolution des carbonates et sulfate sur le trajet des eaux souterraines. En comparaison, les zones ouest comme Albalboute, Damila ou Madal Alfil qui se situent à proximité des zones de recharge (Chari et Lac Tchad) présentent des teneurs faibles en anions (HCO3<130mg/l, Cl≤5mg/l, SO42-≤4mg/l), cohérent avec une eau faiblement minéralisée. Les teneurs en NO3 sont particulièrement élevées à Makorore (34,2 mg/l), Nouar (32,7 mg/l) et Asraf (20, 3 mg/l). Ces concentrations en NO3s’expliqueraient par une possible contamination anthropique, notamment par les activités agricoles ou domestiques.

 

CONCLUSION ET APPLICATION DES RESULTATS

 

L’étude hydro-chimique portant sur les ions majeurs et les faciès des eaux souterraines du département de Haraze-Albiar met en évidence une diversité de compositions et des concentrations chimiques traduisant à la fois l’influence géologique et l’impact anthropique sur les nappes. Les fortes concentrations en HCO₃⁻, Ca²⁺ et Mg²⁺ présentent globalement, un faciès bicarbonaté calcique et magnésien, caractéristique d’un aquifère en interaction avec des formations carbonatées (calcaires, dolomies). Les pH sont généralement basiques, les niveaux élevés de TDS et de dureté dans certains échantillons, témoignent une minéralisation avancée sur une partie de la zone, notamment à l’est. Cette minéralisation accrue s’explique par un trajet plus long de l’eau dans l’aquifère et des interactions prolongées avec les roches mères depuis les zones de recharge (fleuve Chari et lac Tchad) à l’0uest vers l’Est. Cependant, les teneurs élevées en nitrates (>20 mg/L) et en ammonium dans les localités de Makorore, Nouar et Asraf sont des indices de pollution d’origine anthropique et pourraient résulter de l’usage excessif d’engrais agricoles, d’un assainissement approprié ou d’un ruissellement chargé en matières organiques.  A cet effet, il est important de faire un suivi régulier de la qualité chimique et les contrôles de la pollution des eaux souterraines, notamment dans les zones à forte pression humaine, et mettre en place des mesures de gestion intégrée des ressources en eau. Il sera judicieux de mettre en place des pratiques agricoles durables, la sensibilisation des populations, et l’aménagement de systèmes d’assainissement appropriés pour préserver ces nappes peu profondes, vitales pour l’alimentation en eau potable.

 

 

REFERENCES BIBLIOGRAPHIES

 

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