Quantification des besoins des ménages en bois de mangrove pour une évaluation du retour de carbone dans l’atmosphère dans la commune de Djirnda (Foundiougne, Sénégal).

 

Journal of Applied Biosciences 214: 22813 – 22823

ISSN 1997-5902

 

Quantification des besoins des ménages en bois de mangrove pour une évaluation du retour de carbone dans l’atmosphère dans la commune de Djirnda (Foundiougne, Sénégal).

 

  1. Mbengue. 1*, M. Dasylva. 2, N. Ndour. 1, S. Sané. 3

(1) Laboratoire d’Agroforesterie et d’Écologie, Département d’Agroforesterie, Université Assane Seck de Ziguinchor (UASZ), BP : 523 Ziguinchor, Sénégal ;

(2) Département des Sciences et Techniques Agricoles, Alimentaires et Nutritionnelles, École Supérieure Polytech Diamniadio, Université Amadou Mahtar Mbow (UAM), BP : 45 927 Dakar Nafa VDN, Sénégal

(3) Institut Supérieur d’Enseignement Professionnel de Bignona (ISEP-Bignona)

* Auteur correspondant : mbenguebirane90@gmail.com ; +221 77 565 28 95

 

Submitted 23/09/2025, Published online on 30/11/2025 in the  https://www.m.elewa.org/journals/journal-of-applied-biosciences-about-jab/ https://doi.org/10.35759/JABs.214.11

 

RESUME

Objectifs : La mangrove constitue une ressource énergétique vitale pour les communautés côtières du Sénégal, mais son exploitation continue de menacer son équilibre écologique. Cette étude menée dans la commune de Djirnda (département de Foundiougne) vise à quantifier les besoins en bois de chauffe des ménages et à évaluer l’émanation du gaz carbonique y afférent.

Méthodologies et Résultats : L’étude s’appuie sur des mesures biométriques du bois d’énergie dans 76 ménages répartis dans 08 villages. La quantité de carbone séquestré et l’équivalant en CO2 émis lors de la combustion du bois de palétuviers sont déterminés par les relations suivantes : quantité de carbone séquestré = biomasse sèche * 0,47 et l’équivalant en CO2 = quantité de carbone séquestré * 3,67. Les résultats révèlent une consommation annuelle totale de 185,46 tonnes, avec une dépendance particulièrement élevée à Fambine, Maya et Vélingara. Les analyses montrent que cette utilisation entraîne une émission moyenne de 437,45 tCO₂/an, directement proportionnelle à la biomasse utilisée. Le modèle de régression obtenu [Quantité de carbone gazeux (tCO2) = 0,001621 x Biomasse (t) + 6,368e-18 ; p-value = 2,2e-16 < 0,001 ; R² = 1] confirme une relation linéaire stricte entre la biomasse utilisée par les ménages et les émissions de carbone. Cette relation linéaire pure est un outil fiable pour l’évaluation du retour de CO2 dans l’atmosphère suite à la combustion du bois de mangrove.

Conclusion et applications des résultats : Ces résultats présagent l’urgence d’intégrer les besoins énergétiques des ménages dans toute politique de gestion durable des mangroves, afin d’optimiser la résilience des communautés dans leur socio-écosystème insulaire et côtier. Pour atteindre cet objectif, il est impératif d’adopter des alternatives énergétiques, notamment en promouvant le gaz butane, le biogaz et les foyers améliorés pour la cuisson ; en menant une communication renforcée ciblant l’interdiction de la coupe du bois vert ; et en développant des périmètres agroforestiers qui serviront de source durable de bois de chauffe alternative.

Mots clés :  Quantification, Biomasse, carbone, bois de mangrove, Djirnda

Quantification of household mangrove wood requirements for an assessment of carbon return to the atmosphere in the municipality of Djirnda (Foundiougne, Senegal).

 

ABSTRACT

Objectives: Mangroves are a vital energy resource for coastal communities in Senegal, but their continued exploitation threatens their ecological balance. This study, conducted in the commune of Djirnda (Foundiougne department), aims to quantify households’ firewood needs and assess the associated carbon dioxide emissions.

Methodology and Results:

It is based on biometric measurements of energy wood in 76 households spread across eight villages. The amount of carbon sequestered and the CO2 equivalent emitted during the combustion of mangrove wood are determined by the following relationships: amount of carbon sequestered = dry biomass * 0.47 and CO2 equivalent = amount of carbon sequestered * 3.67. The results reveal a total annual consumption of 185.46 tonnes, with particularly high dependence in Fambine, Maya and Vélingara. Analyses show that this use results in average emissions of 437,45 tCO₂/year, directly proportional to the biomass used. The regression model obtained [ Amount of carbon gas (tCO2) = 0.001621 x Biomass (t) + 6.368e-18; p-value = 2.2e-16 < 0.001; R² = 1] confirms a strict linear relationship between the biomass used by households and carbon emissions. This pure linear relationship is a reliable tool for assessing the return of CO₂ to the atmosphere following the combustion of mangrove wood.

Conclusions and application of findings:

These results highlight the urgent need to integrate household energy needs into any sustainable mangrove management policy in order to optimise the resilience of communities in their island and coastal socio-ecosystem. To achieve this objective, it is essential to adopt alternative energy sources, in particular by promoting butane gas, biogas and improved cooking stoves; by stepping up communication efforts targeting the ban on cutting green wood; and by developing agroforestry areas that will serve as a sustainable source of alternative fuelwood.

Keywords : Quantification, Biomass, carbon, mangrove wood, Djirnda,

 

INTRODUCTION

 

La raréfaction des ressources ligneuses constitue un problème majeur au Sénégal, où plus de 80 % de l’énergie domestique dépend de la biomasse (Ndiaye et al., 2013). Cette forte demande, accentuée par la croissance démographique, exerce une pression importante sur les écosystèmes forestiers, notamment les mangroves des zones côtières (FAO, 2017). Dans la commune de Djirnda (département de Foundiougne), le bois de mangrove est la principale source d’énergie domestique (Diouf, 2013). Son exploitation non contrôlée entraîne une dégradation accélérée de ces écosystèmes, augmentant la vulnérabilité côtière et menaçant les moyens de subsistance locaux (Razakanirina, 2012). Les mangroves jouent un rôle essentiel dans la protection côtière, la séquestration du carbone et la préservation de la biodiversité (Ndour, 2012). Il est donc urgent d’estimer les besoins en bois de chauffe des ménages pour évaluer l’empreinte carbone et définir des stratégies de gestion durable alignées sur les objectifs de l’Aire marine communautaire du Gandoul. C’est dans ce sillage que cette étude vise spécifiquement à :

  • quantifier les besoins en bois de mangrove des villages de la commune de Djirnda ;
  • établir un modèle d’évaluation de l’empreinte écologique de la combustion du bois de mangrove à l’échelle des ménages.

 

MATERIEL ET METHODES

 

Présentation de la zone d’étude : La présente étude a été menée dans la commune de Djirnda du département de Foundiougne. Cette commune se situe dans l’estuaire du Saloum sur le littoral sénégalais à environ 150 km au sud de Dakar. Elle est dans la région de Fatick, département de Foundiougne, arrondissement de Niodior et s’étend sur une superficie de 330 km2. La commune compte 11 villages dont Baout, Diamniadio, Djirnda, Fambine, Fayako, Félir, Maya, Mounde, Nghadior, Rofangué et Vélingara (Figure 1).

 

 

Figure 1 : Carte de localisation de la commune de Djirnda

 

 

Méthodes :L’approche méthodologique de l’étude a porté, d’une part, sur la collecte de données secondaires (recherche bibliographique). Et, d’autre part, sur des mesures biométriques pour quantifier la biomasse ligneuse mobilisée pour les usages domestiques comme la cuisine des ménages.

Quantification de la biomasse ligneuse :Pour évaluer la biomasse ligneuse du bois de mangrove utilisée comme source d’énergie, la méthode des pesées a été adoptée. Dans chaque ménage, une évaluation de la quantité journalière de bois de mangrove destinée à la cuisine a été faite. Dans ces ménages, cette quantité de bois a été pesée par rapport aux besoins pour le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner. A la suite de ces mesures, des échantillons à la base, à mi-longueur et au fin bout ont été prélevés pour une meilleure prise en compte de la variation de la densité du bois. Ces échantillons ont été pesés en considérant le degré de dessication du bois à l’air libre (température ambiante) comme la masse de référence. Les échantillons ainsi obtenus ont fait l’objet d’un séchage à l’étuve à 102°C au bout d’une semaine au laboratoire d’agroforesterie et d’écologie (LAFE) du département Agroforesterie. Les pesées ont été réalisées toutes les 72 heures à l’aide d’une balance électronique de précision 0,01g jusqu’à l’atteinte d’une masse constante par échantillon.

Traitement et analyse des données :Les mesures biométriques du bois de mangrove ont été saisies dans le tableur EXCEL. Théoriquement, le facteur de conversion est le rapport (R) obtenu de la pondération de la masse de l’échantillon à l’état anhydre par leur masse à l’état humide (Rondeux, 1999 ; Picard et al., 2012). En référence à cette approche, le facteur de conversion obtenu dans cette étude est le rapport (R) de la pondération de la masse de l’échantillon à l’état anhydre par leur masse à l’état de dessication à la température ambiante. La quantité de la biomasse sèche utilisée par les ménages est estimée en multipliant la biomasse desséchée à l’air libre par ce rapport moyen (R). Sur cette base, l’évaluation du carbone séquestrée est obtenue en multipliant la quantité de la biomasse sèche par 0,47 (GIEC, 2007). Le pool de carbone aérien calculé est converti en stock de CO₂ atmosphérique séquestré en multipliant la quantité de carbone séquestrée par 3,67 conformément à Tsoumou et al. (2016) ; Ouédrago et al. (2019) et Manga et al. (2022). Le logiciel R version 4.3.2 a été utilisé pour traiter statistiquement les données avec un seuil de significativité de 5%.  Le test de shapiro a été réalisé pour vérifier la normalité des données. Une ANOVA a été effectué pour comparer les paramètres centraux des variables analysées. Les résultats sont considérés comme significatifs quand la probabilité p ≤ 0,05, hautement significatifs quand p < 0,001 et très hautement significatifs quand p < 0,0005.

 

 

RESULTATS

 

Les résultats concernent la quantification du bois de mangrove, son impact écologique et l’évaluation de son empreinte carbone.

Quantités de bois utilisés dans les villages : La consommation de bois de mangrove varie selon la taille des ménages, les modes d’usage et la disponibilité de la ressource. En effet, 30,52 % des ménages l’utilisent avec une forte dépendance à Vélingara, Fambine et Maya, une dépendance moyenne à Baout, Diamniadio, Nghadior et Rofangué, et une faible à Djirnda (Figure 2).

 

 

 

Figure 2 : Dépendance des villages au bois de mangrove

 

 

Pour les villages, selon leur taille, la quantité journalière de bois de mangrove prélevé est comprise entre 4,1 à 15,8 kg au petit déjeuner, 11,4 à 66 kg au déjeuner et 7,2 à 33,8 kg au dîné (Tableau 1). En somme, dans les 08 villages enquêtés dans la commune, la quantité de bois consommée pour la cuisine est de 185,4565 t/an. Ce qui correspond à 2060 stères.

 

 

Tableau 1 : Quantités de bois de mangrove prélevé par repas en fonction des villages

Villages Bio Pd (Kg) Bio Dé (Kg) Bio Di (Kg) Bio Jr (Kg) Bio An (Kg) Bio An (t)
Baout 8,7 36,3 19,4 64,4 23506 23,506
Diamniadio 13 54,8 24,3 92,1 33616,5 33,6165
Djirnda 8,2 47,7 23,3 79,2 28908 28,908
Fambine 15,8 66 33,8 115,6 42194 42,194
Maya 5,1 20,3 8,9 34,3 12519,5 12,5195
Nghadior 4,4 32,1 20,5 57 20805 20,805
Rofangué 5,5 23,6 20,5 42,8 15622 15,622
Vélingara 4,1 11,4 7,2 22,7 8285,5 8,2855
Total 64,8 292,2 157,9 508,1 185456,5 185,4565

Bio Pd = Biomasse au Petit-déjeuner, Bio Dé = Biomasse au Déjeuner, Bio Di = Biomasse au Dîner, Bio Jr = Biomasse journalière, Bio An = Biomasse annuelle, Kg = Kilogramme, t = tonne

 

 

L’ACP met en évidence une forte hétérogénéité entre les villages dans leur dépendance au bois de mangrove (Figure 3). Maya, Nghadior, Rofangué et Vélingara sont les plus dépendants, tandis que Baout, Diamniadio et Djirnda le sont moins, et Fambine se distingue par la plus forte dépendance à l’échelle villageoise.

 

Figure 3 : Analyse en composantes principales de la dépendance des villages au bois de mangrove

 

 

Évaluation écologique du bois de mangrove : Le Tableau 2 révèle des différences très significatives entre les villages pour la biomasse, le stock de carbone et le carbone libéré (p = 6,55e-4). Nghadior et Rofangué présentent les valeurs les plus élevées, tandis que Djirnda affiche les plus faibles moyennes.

 

 

Tableau 2 : Biomasse et carbone du bois d’énergie en fonction des villages

Villages Biomasse (KgMS/j)           Stock de carbone (KgC/j)          Carbone libéré (KgC02/j)
Baout 9,89±2,35 bc 4,65±1,10 bc 17,06±4,05 bc
Diamniadio 8,32±1,11 bc 3,91±0,52 bc 14,36±1,91 bc
Djirnda 4,87±0,67 c 2,29±0,31 c 8,40±1,15 c
Fambine 5,35±0,66 c 2,51±0,31 c 9,22±1,14 c
Maya 10,59±2,14 bc 4,98±1,01 bc 18,27±3,69 bc
Nghadior 17,67±3,92 a 8,31±1,84 a 30,48±6,76 a
Rofangué 13,27±2,41 ab 6,24±1,13 ab 22,89±4,16 ab
Vélingara 7,24±0,91 c 3,40±0,43 c 12,48±1,57 c   
Moyenne 9,65 4,54 16,65
P-value : 6,55e-4                              Significativité : Très hautement significatif                                                          
 

KgMS/j = Kg de Matière Sèche par jour, KgC/j = Kg de Carbone par jour, KgCO2/j = Kg de CO2 gazeux par jour

 

 

La Figure 4 montre que la biomasse, le stock de carbone et le carbone libéré diffèrent significativement selon le type de repas (p = 6,62e-11), avec des valeurs décroissantes du déjeuner au dîner, puis au petit-déjeuner.

 

 

Figure 4 : Estimation de la biomasse et du carbone en fonction du type de repas

 

 

Le Tableau 3 montre que la biomasse, le stock de carbone et le carbone libéré ne diffèrent pas significativement selon la hauteur de découpe (p = 0,996), avec des moyennes décroissantes de la base au fin bout des branches qui constituent le fagot.

 

Tableau 3 : Biomasse et carbone du bois de mangrove à hauteur de découpe fixée.

Hauteur de découpe Biomasse (KgMS/j)           Stock de carbone (KgC/j)       Carbone libéré (KgC02/j)
A la basse 9,74±1,49 a 4,58±0,70 a 16,81±2,59 a
A mi-longueur 9,55±1,46 a 4,49±0,69 a 16,48±2,52 a
Au fin bout 9,65±1,47 a 4,54±0,69 a 16,65±2,53 a
Moyenne 9,65 4,54 16,65
P-value : 0,996                                               Significativité : Pas d’effet significatif                          
 

 

 

La Figure 5 indique que l’usage domestique du bois de mangrove dans la commune de Djirnda entraîne une biomasse de 253,60565tMS/an, un stock de carbone de 119,1944tC/an et des émissions de 437,4525t de CO2/an.

 

 

Figure 5 : Estimation de la biomasse et du carbone dans la commune de Djirnda

 

 

Quantification de l’empreinte carbone liée à la combustion du bois de mangrove : La Figure 6 montre une corrélation linéaire parfaite entre la biomasse utilisée et le carbone rejeté, la quantité de CO2 étant directement proportionnelle à la biomasse selon le modèle allométrique suivant :

Quantité de carbone (tCO2) =

0,001621 x Biomasse (t) + 6,368e-18 ; R2=1

Le modèle montre une relation strictement proportionnelle entre la biomasse de bois de mangrove et les émissions de CO₂ issues de la combustion (R² = 1, pente = 0,001621, ordonnée à l’origine = 6,368×10−18 p < 0,001), offrant un outil fiable pour évaluer l’empreinte écologique liée à son utilisation domestique.

 

 

Figure 6 : Modèle d’estimation du carbone rejeté dans l’atmosphère

 

DISCUSSION

 

Cette discussion interprète les résultats et met en évidence l’apport de l’étude sur l’empreinte écologique de la combustion du bois de mangrove par les ménages.

Usage du bois de mangrove par les ménages :Les résultats obtenus mettent en évidence une forte dépendance des ménages de la commune de Djirnda vis-à-vis du bois de mangrove comme principale source d’énergie domestique. Cette dépendance, déjà observée dans le Delta du Saloum par Diouf (2013), s’explique par l’absence d’alternatives énergétiques et par la proximité des peuplements de mangrove. Dans le même sens, Camara et al. (2017) soutiennent que le bois d’énergie est fondamental pour les populations locales. Entre autres, Sambou et al. (2019), déclarent aussi que le bois de mangrove est utilisé comme combustible par les ménages. La consommation annuelle est estimée à 185,46 tonnes, avec une variabilité entre villages (Fambine, Maya et Vélingara les plus consommateurs), liée à la taille des ménages, aux pratiques culinaires et aux moyens d’accès à la ressource. Ces résultats sont en phase avec ceux de Faye et al. (2019) qui ont montré que l’exploitation du bois de chauffe se concentre souvent dans certaines zones, ce qui accentue la pression sur l’écosystème.

Pertinence du modèle d’évaluation écologique du bois de mangrove :L’étude a développé une équation allométrique pour estimer les émissions de CO₂ liées à la combustion du bois de mangrove, montrant une relation linéaire parfaite (R² = 1) entre biomasse et carbone émis. Cet outil fiable permet de calculer l’empreinte carbone des ménages et d’orienter la gestion durable des mangroves, en accord avec les directives du GIEC (2019) sans oublier les engagements internationaux relatifs à l’Accord de Paris signé en 2015 à la COP21. Ces résultats s’inscrivent dans la continuité des travaux d’Alongi (2020), qui ont également démontré l’efficacité des équations allométriques pour estimer les flux de carbone des écosystèmes de mangrove des régions tropicales.

Importance écologique des mangroves : La contribution de la mangrove au cycle du carbone dépasse la seule dimension énergétique. Ces écosystèmes, en tant que puits de carbone dits de « carbone bleu », jouent un rôle essentiel dans l’atténuation des changements climatiques (Donato et al., 2011 ; Taillardat et al., 2018). En effet, au cours de la photosynthèse, comme toutes les autres formations végétales, les mangroves séquestrent du carbone et libèrent de l’oxygène indispensable au règne animal (Nour et al., 2013). À cet égard l’étude de Deugué-Namboma (2008) et celle de Manga (2022) respectivement sur la séquestration du carbone dans les plantations de mangrove du Delta du Saloum et de la Casamance sont particulièrement pertinente car elles ont déjà prouvé leur rôle dans le stockage de carbone. Encore mieux, les formations naturelles de mangrove de Kawawana séquestrent 1 092,90 tC/ha (Diédhiou et al., 2025).Cependant, l’exploitation non durable du bois de chauffe induit une double perte : celle de la satisfaction des besoins énergétique des ménages et celle de la fonction écologique de séquestration. Cette dualité conflictuelle est souvent exacerbée par la croissance démographique et l’accroissement des besoins alimentaires locaux, comme l’ont souligné Sylla et al. (2019).

Gestion durable et recommandations : Les résultats soulèvent des enjeux majeurs en matière de gestion durable des mangroves de la commune de Djirnda. Si des alternatives énergétiques (gaz butane, biogaz, foyers améliorés) ne sont pas rapidement adoptées, cette exploitation non contrôlée pourrait conduire à une gestion non durable de la mangrove. L’hétérogénéité observée entre les villages dans la consommation de bois plaide pour une approche différenciée dans les stratégies de gestion des ressources de mangrove. Certaines localités nécessitent des mesures prioritaires de sensibilisation et d’appui (Maya, Vélingara et Fambine) du fait de leur forte dépendance au bois de mangrove, alors que d’autres pourraient servir de modèles de gestion participative (Baout, Diamniadio et Djirnda) à cause de la diversité d’acteurs intervenant dans la zone. Le rapport Just Energy Transitions and Partnerships in Africa (Sarr et Fall, 2022) souligne l’engagement national envers les foyers améliorés, le biogaz, et d’autres formes d’énergie propre dans les zones rurales comme voies de réduction de la dépendance à la biomasse ligneuse. Cet engagement montre l’intérêt d’investir rapidement dans les alternatives énergétiques dans les localités vulnérables mentionnées.

 

 

CONCLUSION ET APPLICATION DES RESULTATS

 

Cette étude montre que le bois de mangrove est la principale source d’énergie domestique des ménages de Djirnda, avec une forte dépendance et des disparités marquées entre villages, particulièrement à Fambine, Maya et Vélingara. Elle quantifie l’impact écologique de cette exploitation, établissant une relation linéaire entre biomasse et carbone libéré. Cette empreinte souligne la perte de sécurité énergétique et la capacité de séquestration de carbone. Pour préserver les mangroves et renforcer la résilience des communautés, il est crucial de promouvoir des alternatives énergétiques, d’adopter des stratégies de gestion différenciées et de favoriser la participation des populations locales, avec des actions prioritaires dans les villages les plus dépendants.

 

 

REMERCIEMENTS

 

Les auteurs expriment leur profonde gratitude à l’Université Assane Seck de Ziguinchor pour l’organisation du colloque sur la « gestion durable des écosystèmes de mangrove en Afrique de l’Ouest » (GEMAO) et le soutien financier accordé à cette recherche. Ils remercient également le personnel de l’AMP de Gandoul pour l’accueil et l’assistance durant la collecte des données sur le terrain. Enfin, leur reconnaissance va au laboratoire d’Agroforesterie, cadre des traitements et analyses réalisés.

 

 

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