Phytodiversité du Parc National Sena Oura (PNSO), en zone soudanienne du Tchad, Afrique Centrale

 

Journal of Applied Biosciences 212: 22486 – 22503

ISSN 1997-5902

 

Phytodiversité du Parc National Sena Oura (PNSO), en zone soudanienne du Tchad, Afrique Centrale

 

1*BAKADI José, 1MBAYNGONE Elisée, 1DANY Oumar

1Université de N’Djaména, Faculté des Sciences Exactes et Appliquées, Laboratoire de Botanique Systématique et d’Écologie Végétale, B.P. 1027 N’Djaména/Tchad.

* Auteur correspondant, Courriel : bakadijo@gmail.com

 

Submitted 22/07/2025, Published online on 30/09/2025 in the https://www.m.elewa.org/journals/journal-of-applied-biosciences  https://doi.org/10.35759/JABs.212.6

 

RESUME

Objectif : Cette étude vise à évaluer la diversité floristique du Parc National de Sena Oura (PNSO) du Tchad, en zone soudanienne, et la caractériser à travers les paramètres biologiques et écologiques.

Méthodologie et résultats : Ainsi, 104 relevés phytosociologiques ont été réalisés selon la méthode de Braun-Blanquet, dans des placettes de 900 m2 pour les ligneux et 100 m2 pour les herbacées, et en fonction des types de végétation.  Le PNSO renferme 217 espèces (dont 100 ligneux et 117 herbacées) réparties dans 147 genres et 46 familles.  Les Fabaceae (26,27 %), les Poaceae (13,36 %), les Malvaceae et les Rubiaceae (6,91% chacune) sont les familles les plus représentées. Les espèces les plus dominantes sur le site sont Monotes kerstingii (11,56%), Detarium microcarpum (7,29%), Daniellia oliveri (6,89%) et Isoberslia doka (6,66%). La plus part des espèces sont rares, mais au moins 17,05% sont très fréquentes. On note une dominance des phanérophytes (41,01%) et des thérophytes (36,87%) sur les autres formes de vie, avec une prépondérance des microphanérophytes (49,41%) et des nanophanérophytes (25,88%). Du point de vue phytogéographique, les espèces soudaniennes (29,77%) dépassent de loin les paléotropicales (13,88%) et les pantropicales (13,49%). Dans les formations végétales, on note une très faible varaibilité de la richesse floristique, mais un taux de recouvrement herbacé très élevé dans les savanes arbustive (85,83%). Par contre, le recouvrement ligneux est très élevé dans les forêts galeries (74,44%) et les savanes boisées (70%). Les indices de diversité de Shanon (de 4,31 à 4,54 bits) et de Piélou (0,89 à 0,95) sont élevés dans toutes les formations végétales, mais ne présentent aucune différence significative. Les indices de Margalef des savanes arbustives et forêts galeries sont significativement différentes de ceux des savanes arborées à boisées. Les forêts galeries et les savanes arbustives sont les formations les plus phanérophytiques (respectivement 61,29% et 51,19%). Du point de vue phytogéographique, les espèces soudaniennes dominent dans toutes les formations végétales. Elles sont suivies des paléotropicales, pantropicales et soudano-zambéziennes. Les indices phytogéographiques montrent que la flore du PNSO a une forte affinité avec la zone soudanienne.

Conclusions et application des resultats: Le PNSO renferme une relique de la flore et de la végétation soudanienne. Il peut servir de site de prélèvement de semences et des plantules pour alimenter la reforestation des zones avoisinnantes.

Mots clé : Phytodiversité, paramètres biologiques et écologiques, Parc National Sena Oura, Zone soudanienne, Tchad

Phytodiversity of the Sena Oura National Park (PNSO) in the Sudanian Zone of Chad, Central Africa.

 

ABSTRACT

Objectives: This study aims to assess the floristic diversity of the Sena Oura National Park (PNSO) in Chad, in the Sudanian zone, and characterize it through biological and ecological parameters.

Methodology and results: Thus, 104 phytosociological suryes were carried out according to the Braun-Blanquet method, in plots of 900 m2 for woody plants and 100 m2 for herbaceous plants, and based on vegetation types. The PNSO contains 217 species (including 100 woody and 117 herbaceous) distributed across 147 genera and 46 families. The most represented families are Fabaceae (26.27%), Poaceae (13.36%) and Malvaceae (6.91%). The most dominant species on the site are Monotes kerstingii (11.36%), Detarium microcarpum (7.29%), Daniellia oliveri, and Isoberlinia doka (6.36% each). Most species are rare, but at least 17% are very common. There is a dominance of phanerophytes (43.73%) and therohytes (35.71%) over other life forms, with a preponderance of microphanerophytes (49.41%) and nanophanerophytes (25.88%). Regarding the phytogeographycal types, Sudanian species (29.77%) far exceed paleotropical (13.88%) and pantropical species (13.49%). In the plant vegetations, there is a very low variability in species richness, but a very high herbaceous cover rate in the shrub savannas (85.83%). On the other hand, woody cover is very high in the gallery forests (74%) and wooded savannas (70%). The Shannon diversity indices (from 4.31 to 4.54 bits) and Piélou indices (0.89 to 0.95) are high in the all plant vegetations, but show no significant differences. The Margalef indices of shrub savannas and gallery forests are significantly different from those of wooded savannas. The gallery forests and shrub savannas are the most phanerophytic vegetations (61.29% and 51.19%, respectively). From a phytogeographycal perspective, Sudanian species dominate in all plant vegetations. They are followed by Paleotropical, Pantropical and Sudano-Zambezian species. Phytogeographycal indices show that the flora of PNSO has strong affinity with the Sudanian zone.

Conclusions and application: The PNSO contains a relic of Sudanian flora and vegetation. It can serve as a seed and seedling collection site to support the reforestation of the surrounding areas

Keywords: Phytodiversity, biological and phytogeographical parameters, Sena Oura National Park, Sudanian zone, Chad.

 

INTRODUCTION

 

Les aires protégées constituent de véritables réservoirs de ressources biologiques dont les populations riveraines dépendent étroitement (Pawendtaoré, 2012 ; Sanon et al., 2024). À l’échelle mondiale, elles couvrent environ 22,14 % de la surface terrestre, avec une proportion atteignant 25 % pour le continent africain (UNEP-WCMC, 2018). Au Tchad, elles s’étendent sur plus de 10 % du territoire national et comprennent quatre parcs nationaux et sept réserves (IUCN, 2008). Ces espaces abritent d’importantes richesses culturelles, esthétiques, économiques et scientifiques (Ndotam et Akouango, 2022) et contribuent à la conservation de la biodiversité, comme en témoigne la présence en leur sein de sites d’importance internationale, notamment les sites Ramsar et les réserves de biosphère (Ouédraogo et al. 2010a). Bien que possédant des valeurs écologiques et environnementales importantes et constituant un réservoir majeur de biodiversité floristique et faunique (Kindo et al., 2019), les aires protégées font face de nos jours à de nombreuses pressions. L’exploitation intensive des ressources forestières a entraîné la raréfaction ou la disparition d’un grand nombre d’espèces végétales (Piba, 2016). Selon FAO (2015), il y a eu une perte d’environ 129 millions d’hectares de forêts dans le monde entre 1990 à 2015. Malgré les pertes enregistrées, les aires protégées jouent encore un rôle essentiel dans la conservation de la biodiversité (Todou et al., 2017). Elles servent de refuges pour de nombreuses espèces végétales (Atsri et al., 2018 ; Ouédraogo et al., 2020), en particulier celles menacées de disparition et d’une faune emblématique  (Mbayngone, 2008 ; Nakoulma, 2012). En Afrique, la forte dépendance des populations rurales aux ressources naturelles explique que les vestiges des formations végétales originelles et les espèces à haute valeur socio-économique se retrouvent majoritairement dans les aires protégées (Ouédraogo et al. 2010a ; Yaovi, 2017). Malheureusement, ce rôle de refuge écologique est difficile à évaluer dans certains pays africains où la plupart des aires protégées ont été établies sur une base minimale de connaissances des ressources (Langhammer et al, 2011). Les taxons n’ont pas été suffisamment inventoriés avant et après l’établissement de nombreuses aires protégées (Milian et Rodary, 2010). Par ailleurs, la répartition des espèces dans une aire protégée dépend de leurs exigences écologiques, dont leur connaissance aiderait efficacement la restauration des écosystèmes dégradés autour de ces réserves qui sont des habitats témoins authentiques (Gnoumou, 2013). Ces caractéristiques écologiques ne peuvent être appréhendées qu’à travers les travaux d’inventaire floristique. En effet, les données d’inventaire permettent notamment de modéliser les schémas de diversité des espèces, de comprendre leur distribution et de mettre en évidence des enjeux clés de conservation (Brundu et Camarda, 2013). Au Tchad, les aires protégées sont insuffisamment prospectées dans leur composante végétale. On note les travaux de Poilecot et al. (2006, 2007, 2009 et 2013) dans le Parc Zakouma, ceux de Saradoum (2012), Saradoum et al. (2012) et Ngaba Waye (2017) au Parc de Manda, ceux de Todou et al. (2017) dans le parc Sena Oura et ceux de Scholte et Larzilliere (2015) pour toutes les aires protégées du Tchad. A part les travaux de Saradoum (2012) et Saradoum et al. (2012), la plupart des travaux susmentionnés ne se sont intéressés qu’aux espèces ligneuses. Or, la phytodiversité globale joue un rôle important dans l’équilibre et la dynamique des écosystèmes. C’est pourquoi, la présente étude a pour objet l’évaluation de la diversité de la flore ligneuse et herbacée du Parc National de Sena Oura, en fonction des types de végétation et type de sol et la caractériser à travers les paramètres biologiques et phytogéographiques. Cette évaluation vise à fournir une base de données exhaustive pour la conservation et la gestion durable des ressources végétales du parc.

 

 

MATERIEL ET METHODE

 

Milieu d’étude : Le Parc National de Sena Oura (PNSO), créé par la loi n°11/PR/2010, se trouve dans le sud-ouest du Tchad, dans la région du Mayo-Kebbi Ouest, département du Mayo-Dallah, à la frontière avec le Cameroun. Il couvre une superficie de 73 520 hectares, entre les cantons de Dari et de Goumadji, aux coordonnées géographiques 9°05’45’’ de latitude Nord et 14°35’38’’ de longitude Est. Ce parc est adjacent au Parc National de Bouba Ndjida au Cameroun, formant ensemble un complexe écologique transfrontalier d’environ 300 000 km², connu sous le nom de « Bloc Binational Sena Oura/Bouba Ndjida-Yamoussa » (MERH, 2009) (fig.1).

 

 

Figure 1: Localisation du site d’étude

 

 

La région est sous  un climat tropical sec avec deux saisons distinctes : une saison sèche de novembre à avril et une saison des pluies de mai à octobre. La pluviométrie des trente dernières années se situe entre 900 et 1 200 mm, avec une moyenne de 937,45 mm par an (NASA, 2025), classant la région dans la zone bioclimatique soudanienne. Les températures varient généralement entre 20 °C et 40 °C.  Le PNSO possède un réseau hydrographique dense, dominé par le Mayo Sena Oura et quelques mares, qui assurent une disponibilité en eau toute l’année. Le parc abrite un réseau de grottes, qui sont de véritables abris rocheux,  qui renferment d’importantes colonies de chauve-souris. Ce parc repose sur une géologie ancienne et une diversité de sols (ferrallitiques, ferrugineux tropicaux, squelettiques et hydromorphes). Ces sols supportent une végétation composée de savanes arbustives et arborées, de forêts claires et de galeries dominées par des espèces comme Terminalia avicennioides, Isoberlinia doka, Daniellia olivieri, etc. (MERH, 2009). Le PNSO abrite une faune riche et emblématique, incluant des éléphants, les Elans de Derby, les hippotragues et les damalisques. La population humaine environnante, estimée à 15 000 habitants, est composée majoritairement de Zimé, cohabitant avec d’autres groupes linguistiques mineurs comme Moundang, Toupouri, Foufouldé, Musey et Ngambaye, répartie dans les cantons de Dari et de Goumadji. Cette population pratique principalement l’agriculture, mais aussi de l’agro-élévage. Toutefois, l’arrivée fréquente d’éleveurs nomades dans la zone engendre souvent des conflits liés à l’utilisation des ressources naturelles.

Collecte de données : Les relevés phytosociologiques ont été effectués au cours du mois de novembre en suivant la méthode florístico-écologique de Braun-Blanquet (1932), largement utilisée dans les zones soudaniennes (Nakoulma, 2012 ; Moumouni et al., 2017 ). Pour l’étude de la strate ligneuse, des placettes de 900 m² ont été implantées de manière aléatoire dans des milieux homogènes, présentant une uniformité en termes de composition floristique, de type de végétation, de sol et de topographie. Afin d’analyser la strate herbacée, deux sous-placettes de 100 m² ont été disposées aux angles de la diagonale de chaque grande placette (900 m²). Toutes les espèces présentes dans les différentes placettes ont été recensées, et leur abondance-dominance évaluée à l’aide de l’échelle de Braun-Blanquet. L’échelle d’abondance-dominance de Braun-Blanquet utilisée est : (5) : recouvrement supérieure à 75%, abondance quelconque ; (4) : recouvrement de 50 à 75%, abondance quelconque ; (3) : recouvrement de 25 à 50%, abondance quelconque ; (2) : très abondant ou recouvrement supérieur 5% ; (1) : très abondant ou recouvrement compris entre 1 et 5 % ; (+) : simplement présent (recouvrement et abondance très faible < 1%). D’autres données environnementales telles que la localisation, la structure de la végétation (taux de recouvrement moyen, hauteur moyenne, etc.), ainsi que la texture du sol ont été collectées. La répartition des 104 relevés selon la physionomie de la végétation est résumée dans le tableau 1.

 

 

Tableau 1 : Répartition des relevés Phytosociologiques suivant les types Physionomiques

Type de formation Nombre de relevés de Ligneux Nombre de relevés des Herbacées Nombre total de relevés par formation Végétale
Foret Galerie 9 9 18
Savane boisées 20 20 40
Savane arborée 17 17 34
Savane arbustive 6 6 12
Total 52 52 104

 

 

Traitement des données

Richesse floristique : L’identification des espèces a été faite à l’aide des ouvrages de flore disponibles et le logiciel les ligneux du sahel V.1.0 ©  (Berhaut, 1967 ; Bonnet et al., 2008 ; César et Chatelain, 2019) . La nomenclature suit celle d’International Plant Names Index (www.ipni.org du 10 mars 2025). Par ailleurs, la classification supragénérique des taxons repose intégralement sur le système proposé par l’Angiosperm Phylogeny Group (APG IV, 2016). L’analyse de la richesse floristique était basée sur trois paramètres principaux : la diversité spécifique, l’indice de rareté et les paramètres biologiques et phytogéographiques.

La richesse floristique est déterminée à partir de la compilation de l’ensemble des relevés phytosociologiques sous Excel 2016. Le taux de recouvrement moyen a été utilisé pour caractériser les espèces dominantes sur le site.

– L’Indice de Rareté des espèces (IR) ou Rarity-weighted Richness Index a été calculé afin d’identifier les espèces menacées. Actuellement, la rareté constitue l’un des principaux indicateurs utilisés à l’échelle internationale pour évaluer les risques d’extinction des espèces (Hartley & Kunin, 2003 ; Yaovi, 2017). Son calcul s’appuie sur l’équation proposée par Géhu et Géhu (1980), utilisée dans plusieurs études (Kokou et al., 2005, Traoré et al., 2011, Yaovi, 2017). Il est calculé par :

IR= (1-ni/N) Xl00

Avec ni =nombre de relevés dans lesquels l’espèce i est présente et N = nombre total de relevés.

Si :

IR< 60 %, les espèces sont très fréquentes dans les formations végétales;

60 ≤ IR < 80 % les espèces sont moyennement fréquentes;

IR ≥80 % les espèces sont rares.

Indices écologiques : Pour mieux évaluer la diversité floristique au sein de chaque type de formation végétale, trois indices ont été calculés :

Indice de diversité de Shannon (H) a permis de mesurer la diversité spécifique au niveau d’un placeau. Elle est donnée part :

(Pi =ni/N; ni = nombre d’individus d’une espèce donnée ; N = nombre total d’individus H varie en général de 0 à 5)

Indice d’équitabilité de Pielou ou régularité est une mesure du degré de diversité atteint par le peuplement et correspond au rapport entre la diversité effective (H) et la diversité maximale théorique (Hmax).

(H’max = log2R qui est la valeur théorique de la diversité maximale pouvant être atteinte dans chaque groupement et R le nombre d’espèces végétales recensées par placeau).

Indice de Margalef (IMg) indique si la richesse spécifique d’un groupement est élevée ou non.

(S le nombre d’espèces, ln le logarithme népérien et N le nombre d’individus)

Types biologiques et phytogéographiques : Les types biologiques utilisés dans cette étude sont ceux définis par Raunkiaer (1934), à savoir les thérophytes, les chaméphytes, les géophytes, hémicryptophytes et les phanérophytes. Les phanérophytes sont ensuite subdivisés en nanophanérophytes, microphanérophytes, mésophanérophytes et mégaphanérophytes à cause de leur grande variabilité de taille.  Les types phytogéographiques retenus sont ceux proposés par White (1986). Ces systèmes de classification sont couramment utilisés par de nombreux chercheurs dans l’analyse de la végétation en Afrique (Mélom et al., 2015 ; Moumouni et al.,2017 ; Bakadi et al., 2022). Les spectres bruts et pondérés ont été utilisés pour l’analyse des types biologiques et des affinités phytogéographiques des espèces. Le spectre pondéré permet d’exprimer, en pourcentage, la part du recouvrement total des espèces appartenant à un type biologique ou phytogéographique donné par rapport au recouvrement total de l’ensemble des types confondus. A cet effet, le taux de recouvrement moyen (RM) a été utilisé. Ce taux résulte des classes de recouvrement de Braun-Blanquet (1934) : classe 5 = recouvrement moyen de 87,5%, classe 4 = recouvrement moyen de 62,5%, classe 3 = recouvrement moyen de 37,5%, classe 2 = recouvrement moyen de 15%, classe 1 = recouvrement moyen de 3% et classe (+) = recouvrement moyen de 0,5%. Afin de caractériser chaque type de végétation sur le plan chorologique, l’indice phytogéographique (IP) a été calculé en adaptant la formule proposée par Akpagana (1989, in : Adamou et al., 2007) appliquée dans les études de la végétations des zones soudaniennes :

 

(Où S= la proportion d’espèces à affinité soudanienne, SZ= la proportion d’espèces soudano-zambéziennes)

Si IP < 1, la végétation est dominée par des espèces d’affinité soudano-zambéziennes ;

Si IP > 1, elle est plutôt caractéristique de la région soudanienne.

Les tests statistiques de Kruskal-Wallis et de Dunn ont été effectués à l’aide du logiciel R (version 4.4.3) pour comparer les différentes moyennes des paramètres des formations végétales.

 

 

RESULTATS 

 

Diversité floristique : L’exploitation des 104 relevés a permis de mettre en évidence 217 espèces, appartenant à 147 genres et réparties en 46 familles. La richesse moyenne par relevé est de 40,48 ± 4,82 espèces. Les Fabaceae (26,27%) et les Poaceae (13,36%) sont les familles les plus importantes, et suivies de loin par les Malvaceae et les Rubiaceae (6,91% chacune), les Combretaceae (4,61%) et  les Acanthaceae (3,69%). Les autres familles (42), comptant moins de quatre espèces chacune, sont regroupées dans la catégorie “autres familles” et représentent 27,19% (fig. 2).

 

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Figure 2: Spectre de familles

 

 

Parmi ces espèces, il y a 100 ligneux et 117 herbacées. Les espèces qui impriment la physionomnie de la végétation par leur abondance-dominance sont Monotes kerstingii Gilg (11,56%), Detarium microcarpum Guill. & Perr. (7,29%), Hyparrhenia involucrata Stapf (7,17%), Daniellia oliveri (Rolfe) Hutch. & Dalz (6,89%), Isoberlinia doka Craib & Stapf (6,66%) et Cenchrus pedicellatus (Trin.) Morrone (4,36%). La liste complète est en annexe 1.

  • Indice de rareté des espèces : L’indice de rareté des espèces montre que 158 espèces  (soit  72,81%) sont rares. Il y a entre autres: Lophira lanceolataex Keay, Pterocarpus erinaceus Poir., Indigofera suffruticosa Mill., Vitex doniana Sweet, Vigna racemosa (G.Don) Hutch. & Dalziel ex Baker f, Isoberlinia tomentosa (Harms) Craib & Stapf, Euphorbia hirta L., Hyparrhenia rufa (Nees) Stapf, Bombax costatum Pellegr. & Vuill, Neonotonia wightii (Wight & Arn.) JALackey, Terminalia brownii Fresen, Parkia timoriana (DC.) Merr., Tamarindus indica L., Ziziphus mucronata Willd. Les espèces moyennement fréquentes constituent 10,14% des espèces (soit 22 espèces) et les plus importantes sont : Andropogon tectorum Schumach. & Thonn. (78,84%), Afzelia africana Sm. ex Pers.et Terminalia laxiflora Engl. (75% chacune) Vigna radiata (L.) R.Wilczek et Vitellaria paradoxa C. F. Gaetn (63,46% chacune). Les espèces très fréquentes (ayant un IR< 60 %,) sont au nombre de 37 (soit 17,05 % des espèces). Ce sont Securidaca longipedunculata Fresen. (53,84%) Daniellia oliveri (Rolfe) Hutch. & Dalz. (46,15%) Hyparrhenia involucrata (Stapf) (42,30%), Isoberlinia doka Craib & Stapf (36,53%), Andrepogon gayanus Kunth (34,41%), Anonychium africanum (Guill. & Perr.) CEHughes & GPLewis (28,84%) Monotes kerstingii Gilg (25,00%), Burkea africana (Hook. F) et Detarium microcarpum Guill & Perr (15,38% chacune), Pterocarpus lucens Lepr.(7,69%).

 

 

Figure 3 : Spectre des indices de rareté

 

Les caractéristiques de la diversité floristique des différents types de végétation sont résumées dans le tableau 2.

 

Tableau 2 : Caractéristique de types de végétation

Paramètres écologiques Types de végétation
Savane boisée Savane arborée Savane arbustive Forêt galerie
Nombre de relevés 40 34 12 18
RF 42,00±2,85a 42,16±3,57a 35,83±3,16a 42,00±6,00a
RH (%) 48,33±7,61a 46,66±4,76a 85,83±6,19b 35,00±10,00c
RL (%) 70±2,85a 61,66±7,14 a 36,67±11,42b 74,44±6,44a
HL (m) 7,66±1,42a 4,25±0,64a 1,51±0,27b 17,44±5,04c
H’ 4,54a 4,47a 4,31a 4,43a
J 0,89a 0,92a 0,95a 0,95a
IMg 29,18a 23,8a 16,54b 19,14c

Légende : RH : taux de Recouvrement des herbacées; RL : taux de recouvrement des ligneux ; HL : hauteur  moyen des ligneux ; RF : Richesse floristique ; H’ : Indice de diversité de Shannon; J : Indice d’équitabilité de Pielou ; IMg : Indice de diversité de Margalef.

 

 

La richesse floristique varie de 36 à 42 espèces, mais ces variations ne présentent aucune différence significative entre les types de végétation (p-value = 0,2306, test de Kruskal-Wallis). Le taux de recouvrement herbacé le plus élevé est dans la savane arbustive (85,83±6,19%), tandis que le plus faible est dans la forêt galerie. Pour ce paramètre, on note une différence significative des deux formations sus-citées avec les savances arborées et boisées (p-value = 0,0149 et = 0,0091). Concernant le taux de recouvrement des ligneux (RL), la forêt galerie (74,44 %) et la savane boisée (70 %) affichent les valeurs les plus élevées, mais qui ne sont pas significativement différentes de celle des savanes arborées (p-value = 0,0297). Seul, le recouvrement des savanes arbustives est significativement différents des trois autres formations (p-value = 0,0001). La hauteur moyenne des ligneux (HL) qui varie de 1,51 m (savanes arbustives) à 17,44 m (forêts galeries), est significativement différente pour les deux formations et avec les savanes arborées et boisées, qui ne présentent pas de différence significative entre elles. Les valeurs des  indices de diversité de Shannon (4,31≤ H’ ≥ 4,54 bits) et d’équitabilité de Piélou (0,89≤ J ≥ 0,95), relativement élevés, ne présentent aucune différence significative dans toutes les quatres formations végétales. Par contre,  l’indice de diversité de Margalef (IMg), qui est plus élevé dans la savane boisée (29,18) et arborée (23,8), marque une différence significative avec les savanes arbustives et forêts galeries.

Types biologiques et Phytogéographiques

Types biologiques : Dans le PNSO, les types biologiques prédominants sont les Phanérophytes (41,01% du spectre brut et 62,66% du spectre pondéré) et les Thérophytes (36,87% du spectre brut et 19,99% du spectre pondéré). Ils sont suivis de loin par les Hémicryptophytes (10,14% du spectre brut et 15,05% de spectre pondéré). Les Chaméphytes et les Géophytes sont très faiblement représentées (5,99% de spectre brut chacun, Fig 4).

 

 

Figures 4 : Spectres bruts et Pondérés des types biologiques

(Ph : phanérophytes ; Th : thérophytes ;  He : hémicryptophytes ; Ch : chaméphytes ; Ge : géophytes

 

 

Une analyse des sous-types des phanérophytes (fig 5) a révélé une nette dominance des microphanérophytes (49,41% du spectre brut et 26,67% de spectre pondéré) sur les nanophanérophytes (25,88% du spectre brut et 6,47% de spectre pondéré) et les mésophanérophytes (21,17% du spectre brut et 66,78% de spectre pondéré), tandis que les mégaphanérophytes sont très peu représentés.

 

 

Figures 5 : Spectres bruts et pondérés des sous-types des phanérophytes

(mph : microphanérophytes ; nph : nanophanérophytes ; mPh mésophanérophytes ; MPh : mégaphanérophytes)

Les caractéristiques biologiques par type de végétation sont résumées dans le tableau 3.

 

Tableau 3 : Caractéristiques biologiques des types de végétation

Types Bioologiques Types de Végétation
Savane boisée Savane arborée Savane arbustive Forêt galerie
Phanérophytes (%) 43,67/59,26 40,31/69,29 51,11/47,28 57,69/69,06
Thérophytes (%) 33,57/23,28 34,88/19,78 28,89/25,49 25,00/7,31
Hémicryptophytes (%) 10,13/15,21 11,63/9,18 8,89/26,36 8,65/14,44
Géophytes (%) 6,96/0,53 6,98/0,70 3,33/0,19 4,81/1,01
Chaméphytes (%) 5,70/1,73 6,20/1,05 7,78/0,69 3,85/8,18

 

 

Ce tableau révèle que les phanérophytes prédominent dans les forêts galeries (57,69 % de spectre brut et 69,06 % de spectre pondéré)  et les savanes arbustives (51,11% de spectre brut et 47,28% de spectre pondéré). Par contre, les thérophytes sont faiblement représentés dans les forêts galeries (25% de spectre brut et 7,31% de spectre pondéré).  Les hémicryptophytes, thérophytes et géophytes, qui sont faiblement représentés, varient très peu d’une végétation à une autre, mais avec un pic de spectre pondéré des hémicryptophytes dans les savanes arbustives (26,36%).

Les types Phytogéographiques :

La flore du Parc National de Sena Oura est majoritairement composée d’espèces à affinité soudanienne (29,77% de spectre brut et 59,23% de spectre pondéré), suivies de loin par les espèces paléotropicales (13,88% de spectres bruts et 11,08% de spectre pondéré), pantropicales (13,49% de spectre brut et 3,75%  de spectre pondéré) et soudano-zambéziennes (12,10% de spectre brut et 13,58% de spectre pondéré). Les espèces Sahélo-Soudaniennes, Guinéo-Congolaises et Afro-Américaines sont très peu représentées (fig 6).

 

 

Figure 6 : Spectres bruts et pondérés des types phytogéographiques

(S : élément-base soudanien ; SZ : espèces soudano-zambéziennes; Pan : espèces pantropicales ; Pal : espèces paléotropicales ; AT : espèces afro-tropicales ; PA : autres espèces pluri-régionales africaines ; AM : espèces afro-malgaches; SeS : Sahélo-Soudanienne ; GC : espèces guinéo-congolaises ; AA : espèces afro- américaines ; PRA : Périphériques africaines).

 

 

L’indice phytogéographique (IP) du PNSO est égal à 3,46, soit bien au-delà du seuil de 1, indiquant une forte proportion d’espèces présentant une affinité géographique marquée. Au niveau des types de végétation, les caractéristiques chorologiques sont résumées dans le tableau 4.

 

 

Tableau 4 :Caractéristiques Phytogéographiques des types de végétation

Types phytogéographiques

(%)

Types de végétation
Savane boisée Savane arborée Savane arbustive Forêt galerie
Soudanien 30,97/67,91 34,65/64,29 32,22/57,49 30,10/31,92
Paléotropicales 14,19/10,97 14,17/7,69 15,56/16,03 14,56/9,94
Pantropicales 10,97/2,90 10,24/4,07 13,33/5,82 15,53/9,18
Soudano-zambéziennes 13,55/8,54 12,60/7,73 12,22/1,18 8,74/36,94
Afrotropicales 10,32/6,02 8,66/10,50 13,33/12,71 14,56/4,47
Plurirégionales africaines 1,94/1,03 2,36/0,63 2,22/0,31 1,94/0,22
Afro-malgaches 4,52/1,70 5,51/4,04 5,56/0,31 4,85/0,95
Périphériques africaines 7,74/0,67 9,45/0,93 4,44/0,25 7,77/5,21
Guinéo-congolaises 2,58/0,10 0,79/0,03 0,00/0,00 1,94/1,46
Sahélo-soudaniennes 2,58/0,11 1,57/0,08 1,11/0,06 0,00/0,00
Afroaméricaines 0,65/0,05 0,00/0,00 0,00/0,00 0,00/0,00
Indices phytogéographiques 3,28 3,75 3,63 4,44

 

 

L’analyse du tableau 4 montre une très faible variabilité du spectre brut des types phytogéographiques d’un type de végétation à un autre. Toutefois, les espèces soudaniennes atteignent leur optimum (spectre pondéré) dans les savanes boisées (67,91%) et arborées (64,29%).Les pantropicales sont relativement bien représentées dans les forêts galeries (15,53% de spectre brut). Il en est de même pour les soudano-zambéziennes dans les savanes (12,22% à 13,55%), mais faiblement dans les forêts galeries (8,74%). On note une absence totale des guinéo-congolaises dans les savanes arbustives, ainsi que des sahélo-soudaniennes dans les forêts galeries. Les indices phytogéographiques montrent une forte affinité soudanienne des forêts galeries (4,44) sur les formations savanicoles (autour de 3).

 

 

DISCUSSION

 

De la richesse floristique : La richesse floristique du Parc National de Sena Oura (PNSO) qui est de 217 espèces, représente 10,34 % de la flore tchadienne (César et Chatelain., 2019). Ce résultat, qui semble faible, pourrait s’expliquer par le faible taux d’échantillonnage, qui est lié aux difficultés d’accès au site, à l’inaccessibilité de certaines zones et à la période de collecte des données (novembre), peu favorable à un inventaire complet. Mais, cette richesse floristique du parc pourrait être améliorée si l’ensemble du site était exploré de manière exhaustive. En effet, le parc renferme des grottes et des collines qui constituent autant de micro-écosystèmes qui sont sources de diversité floristique (Wala, 2010). C’est ainsi que des richesses floristiques plus élevées ont été relevées dans des zones bioclimatiques similaires à géodiversité élevée (Saradoum, 2012  [520 espèces] ; Gnoumou, 2013  [540 espèces] ; Ahouandjinou et al. (2017) [246 espèces]). Toutefois, cette richesse spécifique dépasse celle de certains travaux réalisés dans le Parc National de Manda (PNM, Djimarabeye et al. (2021) [142 espèces]), la forêt classée de la Fosse de Doungh au Togo (Atakpama et al. (2023) [204 espèces]) et celle de Lamto en Côte d’Ivoire (Gnahoré et al. (2018) [176 espèces]). Il en est de même pour la composante ligneuse, ou les 100 espèces recensées dans cette étude dépassent les 84 espèces identifiées par Todou et al. (2017) dans la partie orientale du PNSO. Ces constats soulignent l’importance d’intégrer les deux composantes de la flore dans l’évaluation de la diversité floristique d’une région, afin d’avoir une image plus complète et représentative. Cette flore, à dominance des Fabaceae, Poaceae, Malvaceae, Rubiaceae et Combretaceae est caractéristique des zones soudaniennes (Ouedraogo et al., 2019, Noma et al., 2024 ), car la dominance des légumineuses est une caractéristique des savanes soudaniennes (Gnahoré et al., 2018 ; César et Chatelain, 2019). De même Monotes kerstingii, Detarium microcarpum, Hyparrhenia involucrata, Daniellia oliveir et Isoberlinia doka sont des espèces typiques de cette zone bioclimatique (Arbonnier, 2019). L’indice de rareté montre que la flore du PNSO est constituée en majorité des espèces rares (72,81%). Cette dominance des espèces rares sur un site est une caractéristique des formations naturelles (Wala, 2010), en l’occurrence les aires protégées.  La comparaison de cette flore à la liste des 14 espèces menacées de disparition au Tchad (MERH, 2014), révèle que 11 de ces espèces sont recensées dans le Parc National de Sena Oura. Parmi celles-ci, six sont très fréquentes, car leur indice de rareté est inférieur à 60% ; il s’agit de : Terminalia leiocarpa (19,23%), Detarium microcarpum (15,38%), Hymenocardia acida var. acida (17,31%), Isoberlinia doka (36,54%), Anonychium africanum (28,85%) et Securidaca longipedunculata (53,85%). Afzelia africana (75%) est moyennement fréquente, tandis que Pterocarpus erinaceus (96,15%), Vitex doniana (94,23%), Bombax costatum 94,23%) et Trichilia emetica (86,54%) sont rares. Cette analyse montre l’importance des aires protégées comme site de refuge pour les espèces végétales menacées de disparition dans les zones agro-pastorales d’une part, et d’autre part comme un milieu de conservation de la flore originelle d’une zone donnée. Toutefois, une attention particulière doit être accordée à la préservation des habitats des espèces rares, car leur destruction entrainera la disparition de ces espèces dans la zone d’étude. Ce qui corrobore l’assertion de Gonmadje et al. (2017) selon laquelle les aires protégées d’Afrique Centrale abritent des espèces menacées, mais leur viabilité dépend de la gestion des menaces locales (exploitation forestière, braconnage). En effet, la plupart de ces espèces susmentionnées sont en regression ou menacées de disparition en milieu sahélo-soudanien (Laminou et al., 2017). Au niveau des types de végétation, la faible variabilité de la richesse floristique en leur sein traduit un milieu plus ou moins en équilibre où les compétitions interspécifiques sont minimales. En effet, en dehors des savanes arbustives qui sont des anciennes jachères, les savanes arborées, boisées et forêts galeries sont plus ou moins des formations climax, donc en équilibre avec leur mileu. C’est ce qui se traduit par une égalité parfaite en richesses floristique (42 espèces). Le faible taux de recouvrement des herbacés dans les forêts galeries traduit un fait réel, car le recouvrement des ligneux est élevé (74%) dans cette formation.  Ce qui ne facilite pas la pénétration de la lumière solaire, nécessaire pour le développment des strates basses. Pour les hauteurs, les forêts galeries qui culminent à 17 m sont caractéristiques des formations soudaniennes, car dans ce milieu, les forêts soudaniennes ont une hauteur qui varie de 12 à 20 m (White, 1986 ; Arbonnier, 2019). La faible hauteur des savanes arbustives traduit un milieu en reconstitution qui renferme de nombreux recrus ligneux bas. Les valeurs élevées des indices de Shannon (de 4,31 à 4,54 bits) soulignent que les foramtions végétales du PNSO sont potentiellement riche en ressources végétales qui restent à explorer. Par contre, les valeurs élvées de l’équitabilité de Piélou (de 0,89 à 0,95) traduit une répartition plus ou moins équitable des espèces (la non-dominance d’une seule espèce) dans les formations végétales ; ce qui confirme les données sur l’abondance-dominance où seulement 5 espèces (Monotes kerstingii, Detarium microcarpum, Hyparrhenia involucrata, Daniellia oliveri et Isoberlina doka) ont un taux de recouvrement moyen supérieur à 5%. L’indice de diversité de Margalef (IMg) met en évidence une diversité spécifique plus marquée en savane boisée (29,18), tandis qu’elle est plus faible en savane arbustive (16,54). En effet, Thiombiano et al. (2016) et Dimobe et al. (2018) ont souligné que les savanes boisées et arborées sont les milieux de prédilection pour la biodiversité végétale et jouent un rôle important pour la conservation des espèces ligneuses, mais demeurent toutefois des sites très fragiles dans un contexte de changement climatique et d’expansion des activités humaines (Ouédraogo et al., 2020).

Des caractéristiques écologiques

Des types biologiques : Dans le PNSO, la prédominance et l’abondance des phanérophytes (41,01% de spectre brut et 62,66% de spectre pondéré) sur les autres formes de vie traduisent une végétation de type forestier. En effet, dans les formations savanicoles, lorsque le milieu est protégée, le savanes arbustives et arborées évoluent vers les forêts claires et savanes boisées (White, 1986 ; Gnahoré et al., 2018). La dominance des phanérophytes est une caractéristique des forêts tropicales (Moumouni et al., 2017 ; Atakpama et al., 2023). Toutefois, la dominance des microphanérophytes et des nanophanérophytes sur les autres chorologies traduit une végétation relativement basse dans le PNSO. La forte présence des thérophytes (36,87% de spectre brut et 19,99% de spectre pondéré) traduit non seulement la semi-aridité du site, mais aussi la pression anthropique. La faible proportion des géophytes vient confirmer le régime semi-aride de ce climat car, ces dernières atteignent leur plein développement dans les forêts tropicales humides (Mbayngone et al., 2008). En effet, le parc est une zone de transhumance pour les éleveurs nomades qui y séjournent parfois (MERH, 2009). Le piétinement du bétail fragilise le développement des hémicryptophytes, tandis qu’il favori celui des thérophytes.  Au niveau des types de végétation, les forêts galeries sont les formations les plus phanérophytiques, car elles tendent vers les forêts claires. Toutefois, la forte représentativité des phanérophytes dans les savanes arbustives ne traduit pas le caractère forestier de cette végétation, mais un état d’un milieu en reconstitution dont beaucoup de recrûs ligneux sont en pleine compétition.

Des types phytogéographiques : La flore du Parc National Sena Oura est marquée par une nette dominance des espèces à affinité soudanienne (29,76% de spectre brut et 59,23% de spectre pondéré). Cette dominance indique le caractère originel de la flore du site (Mbayngone et al., 2008 ; Nakoulma 2012), démontrant ainsi le rôle des aires protégées dans la conservation de la biodiversité. La présence relative des espèces paléotropicales et pantropicales indique les perturbations que subit la zone, notamment le pâturage et l’abattage de bois vert qui favorisent le développement des espèces annuelles qui constituent la majeure partie de ces deux types biologiques. En effet, Adomou (2005) a souligné que l’abondance des espèces à large distribution (paléotropicales et pantropicales) est un signe d’une zone perturbée. Ce qui est d’ailleurs confirmé par la présence d’espèces sahélo-soudaniennes, même en faible proportion. Malgré ces perturbations diverses, la flore du PNSO garde encore son originalité soudanienne, car les espèces soudaniennes et soudano-zambéziennes représentent 41,86% de florule totale. Ce qui est confirmé par l’indice phytogéographique de 3,46 donc fortement lié à la zone soudanienne.  Au niveau des types de végétation, les tendances chorologiques sont les mêmes que celles de la flore globale, car c’est la même zone bioclimatique. Toutefois, les formations les plus savanicoles sont les savanes arborées et arbustives qui réalisent un taux élevé de l’élément-soudanien (34,65% et 32,22% de spectre brut respectivement). Ce sont des formations les plus répandues et caractéristiques des zones soudaniennes. L’abondance des espèces paléotropicales et afro-tropicales dans les savanes arbustives et les forêts galeries traduit les perturbatiuons observées dans ces milieux (Adomou, 2005), notamment les activités agricoles antérieures et la pression de pâturage. C’est ce qui explique la présence des espèces sahélo-soudaniennes dans les formations savanicoles. Mais, la bonne représentation espèces soudaniennes et soudano-zambéziennes dans toutes les formations justifie le rôle des aires protégées dans la conservation de flore originelle, malgré les pressions diverses. Ce qui est par ailleurs confirmé par les indices phytogéographiques élevés, qui montrent une forte affinité de la flore du PNSO avec la zone soudanienne.

 

 

CONCLUSION ET APPLICATION DES RESULTATS

 

Cette étude préliminaire du Parc National de Sena Oura a mis en évidence une biodiversité végétale remarquable (217 espèces), témoignant ainsi le rôle aires protégées dans la conservation des ressources naturelles. Ce rôle est encore mieux confirmé par la présence des espèces menancées au Tchad avec des indices de rareté appréciables. Cette flore, caractéristique de la zone soudanienne et potentiellement riche, est régulièrement répartie sur le site. Les formations végétales du PNSO sont de types forestiers, caractéristiques des forêts tropicales climax. Du point de vue phytogéogtraphique, elles sont d’affinité soudanienne, marquant ainsi le rôle des aires protégées dans la conservation de la flore originelle.

 

 

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